Église de la Vôge

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Jonas, de la détresse à la grâce
Jonas, fils d’Amittaï (2)

* Jon 2.1-11 *

Introduction & Lecture biblique

Nous avons dimanche passé laissé Jonas au cœur de la grâce de Dieu, càd dans l’estomac d’un poisson… Jonas en pleine révolte contre Dieu, parce qu’il ne comprenait pas, ou plutôt il refusait de s’inscrire dans la volonté de Dieu : aller à Ninive pour annoncer à cette grande ville le jugement de Dieu. « Non, Seigneur, tu ne peux pas me demander cela ! A tous les coups, comme tu es un Dieu compatissant, tu vas leur faire grâce, à eux, des païens et nos ennemis ! Non, Seigneur, rien à faire : Je n’irai pas !! ». Nous avons vu comment Jonas, dans sa révolte, s’était enfui, mais aussi comment le Seigneur, dans sa grâce, avait cherché à le « récupérer » : avec la tempête, le chef d’équipage, le tirage au sort et, finalement, le poisson.

Et c’est de là, de ce lieu plutôt inconfortable, que Jonas – qui n’a jusque-là pas vraiment montré de signes de repentance – va se tourner vers le Seigneur et prier l’Eternel. C’est là, au plus profond de sa détresse, qu’il va faire l’expérience bouleversante et toute particulière de la grâce de Dieu…

*Jon 2.1-11

 Voilà un très beau psaume, qui nous parle à la fois de la détresse d’un homme, et de la grâce toute particulière de Dieu – alors même que l’homme en question est loin d’être irréprochable par rapport à tout ce qui lui est arrivé…

I. Un homme dans la détresse ( v. 3-7a )

Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Éternel, Et il m'a répondu ; Du sein du séjour des morts J'ai appelé au secours, Et tu as écouté ma voix. ( v. 3 )

 J’aime beaucoup ce contraste entre les actions de l’homme, et celles de Dieu. D’un côté, on a un homme qui à cause de sa détresse invoque l’Eternel, appelle au secours, et de l’autre, un Dieu qui répond, qui écoute. Un Dieu qui a entendu la voix de Jonas alors même que celui-ci se trouvait au plus profond de son désespoir, au « sein du séjour des morts », comme il dit. Il me semble qu’il y a là un formidable encouragement, qui se verra confirmé tout au long du psaume :

->  Il n’y a pas d’endroit qui soit trop éloigné de Dieu, au point que celui-ci ne pourrait plus entendre la voix de celui qui crie à lui… Il n’y a pas de désespoir ou de sensation d’être abandonné trop profond(e), pour que Dieu ne puisse plus entendre la voix de celui qui crie à lui… Croyons-nous cela ?

 Et pourtant, il est tombé bien bas, Jonas…

 Tu m'as jeté dans un bas-fond au cœur des mers ( v. 4a )

 J’ai presqu’envie de dire qu’il est un peu gonflé, le Jonas… « Tu m’as jeté »… Mais n’est-il pas au moins en partie responsable de ce qui lui arrive ? Après tout, c’est lui qui a désobéi, non !? Les choses, cependant, ne sont pas toujours aussi évidentes. Nous avons vu que Jonas était aussi, quelque part, victime : de ses préjugés, de son orgueil, de ses conceptions de ce à quoi devrait ressembler la volonté de Dieu, etc. C’est vrai qu’il a dérapé… Mais il n’empêche que ça me fait du bien de voir de telles paroles dans ce psaume… Parce qu’elles veulent dire qu’au fond de nos détresses, nous avons le droit de parler ainsi à Dieu ! Même si c'est évident que nous ne sommes généralement jamais tout blanc dans ce qui peut nous arriver. Ne serait-ce qu’à cause des sentiments de révolte que nous avons laissé s’installer en nous suite à une épreuve qui nous est tombée dessus sans que nous y soyons a priori pour quelque chose.

 ->  Plutôt que de tomber dans une culpabilité paralysante et malsaine, n’hésitons pas à parler à Dieu, même si nos paroles et nos sentiments ne sont pas très orthodoxes, pas très « dignes ». Dieu n’a pas les oreilles aussi sensibles que nous le pensons parfois !

 Rappelez-vous ces paroles du prophète Jérémie dans le Livre des lamentations :

 

« Il [Dieu] m’a conduit dans les ténèbres … Il a flétri ma chair et ma peau, Il a brisé mes os … Il m’a emmuré … Il a fait peser des chaînes sur moi … Il a été pour moi un ours en embuscade, Un lion dans un lieu caché [sympa, la comparaison !] … Il m’a déchiré … Il m’a fait casser les dents sur du gravier … Etc. etc. »

 

Et on pourrait en citer bien d’autres ! Sans qu’il n’y ait de condamnation de la part de Dieu, du style : « Tu n’as pas le droit de parler comme ça ! ». Ça, c’est souvent nous qui le disons, à nous-mêmes ou aux autres… Alors que le Seigneur, lui, accepte nos paroles, ces expressions de nos souffrances. Parce qu’il sait ce que c’est, lui aussi, de souffrir à cause du mal et du péché qui sont dans ce monde… Mais revenons-en à Jonas.

 

Les courants d'eau m'ont environné ; Toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur moi. Je suis chassé loin de tes yeux ! ( v. 4b-5a )

 C’est la « descente aux enfers »… Peu à peu, Jonas s’enfonce, il perd pied : les courants d’eau commencent par l’environner, puis ils passent sur lui… Comme nous le vivons parfois dans nos propres émotions. Vient alors le sentiment d'être « chassé loin de Dieu ». Quoi de plus terrible, pour quelqu’un qui aime le Seigneur – comme je crois personnellement que Jonas l’aimait, malgré toutes ses difficultés à le comprendre – ? C’est alors que vient cette phrase, étonnante :

 Mais je contemplerai encore ton saint temple. ( v. 5b )

Est-ce une confession de foi et de confiance, alors que tout autour de lui commence à sentir la mort ? Ou plutôt une volonté de se persuader de l’impossible – on pourrait traduire aussi sous la forme interrogative : « Comment pourrais-je encore contempler ton saint temple ? » – ? Je vous avoue que je n’en sais trop rien… Si ce n’est que je vois un homme qui, tout en descendant toujours plus bas au fond du trou, sait ou espère encore en Dieu, en la présence possible de Dieu, là où se trouvent encore des forces de vie. Jonas, en quelque sorte, descend en regardant en l'air, en ayant ces éclairs de foi ou d’espérance que Dieu, finalement, ne le laissera pas tomber. Et là encore, je trouve que cela correspond tellement bien à ce que nous vivons, parfois, dans nos émotions et nos souffrances… Ce n’est pas parce que nous descendons que Dieu n’est pas là ou plus là.

 Les eaux m'ont couvert jusqu'à la gorge, L'abîme m'a enserré, Des joncs se sont noués autour de ma tête. Je suis descendu jusqu'aux ancrages des montagnes, Les verrous de la terre m'enfermaient pour toujours ; ( v. 6-7a )

 La descente continue… Tellement bien illustrée, tellement proche de la réalité : les courants d’eau qui commencent par environner,

 

-> puis ils passent sur Jonas

– ou sur nous ?

-> les eaux couvrent jusqu'à la gorge [litt. : jusqu’à l’âme]

– je ne peux plus respirer !

-> l'abîme m'enserre

– mais Seigneur, jusqu’où cela ira-t-il ?

-> des joncs se nouent autour de ma tête

– je commence à devenir prisonnier !

-> je descends jusqu'aux ancrages des montagnes

– je ne peux plus descendre plus bas !

-> les verrous de la terre m'enferment pour toujours

– c’est fini, il n’y a plus d’espoir…

 N’avez-vous pas parfois vécu de telles « descentes aux enfers » ? Jusqu’à ce qui semble être un point de non-retour. On ne peut pas descendre plus bas que les fondements des montagnes. Il y a tellement d’humanité dans ce texte !

-> Je ne souhaite à personne de vivre de telles descentes. Et en même temps, je me demande s’il est possible de les éviter. Même en tant que chrétien. Parfois, comme pour Jonas, c’est en lien avec une désobéissance de notre part. Mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là. Parfois on n’y est pour rien, on subit les conséquences d’actions commises par d’autres, du présent ou du passé. Nous subissons les conséquences du mal et du péché qui sont dans le monde, depuis que l’homme s’est détourné de Dieu. Ce mal, origine de toutes les souffrances qui nous touchent parfois. Et c’est vrai qu’il devient alors difficile de ne pas se poser cette question qui en même temps nous dérange tant : « Mais il est où, Dieu ? »…

II. L’expérience de la grâce ( v. 7b-10 )

Tu m'as fait remonter vivant du gouffre, Éternel, mon Dieu ! Quand mon âme était abattue au-dedans de moi, Je me suis souvenu de l'Éternel, Et ma prière est parvenue jusqu'à toi, Jusqu’à ton saint temple. ( v. 7b-8 )

 Dieu est là. Tout simplement. Je ne comprends pas pourquoi il ne délivre pas parfois plus vite, pourquoi il permet parfois la descente jusqu'aux ancrages des montagnes, là où on a l’impression que les verrous de la terre enferment pour toujours… Mais il est là. Et il y a un jour où, d’une manière ou d’une autre, il fait remonter du gouffre.

 Il y a chez Jonas 2 attitudes qui me semblent importantes :

 (1) Il y a d’abord cette prise de conscience : « Quand mon âme était abattue au-dedans de moi, Je me suis souvenu de l'Éternel »… Se souvenir de Dieu, de ce qu’il est, de ce qu’il a déjà fait pour nous, de sa grâce, etc. : c’est important d’avoir ce regard en arrière, de nous rappeler d’autres situations où nous avons peut-être vécu des crises du même genre et où nous pensions que nous ne nous en sortirions jamais. Se souvenir de ces choses, des bénédictions passées, même si on a du mal, dans le présent, à sentir la présence de Dieu.

 (2) Ce regard en arrière est important parce qu’il alimente notre prière – c’est la 2ème attitude que je vois chez Jonas : « Je me suis souvenu de l'Éternel, Et ma prière est parvenue jusqu'à toi, Jusqu’à ton saint temple ». C’était quoi, la prière de Jonas ? Sans doute le cri de tout le psaume : cri de détresse, de désespoir, et aussi, dans son cas, parce qu’il y en avait besoin, de repentance. C’est le cri d’un homme qui comprend que même s’il a l’impression d’être dans une situation sans issue, il n’y a qu’une personne qui peut l’aider, le Seigneur – ce Seigneur qu’il a parfois tant de mal à comprendre mais qui n’en reste pas moins le seul Dieu qui peut délivrer.

 

Voilà l’expérience de Jonas. Une expérience dont je suis fermement convaincu qu’elle peut être la nôtre, quelques soient les situations que nous pouvons rencontrer. L’histoire de Jonas est là pour en témoigner. Rappelez-vous ce que je disais tout à l’heure :

 ->  Il n’y a pas d’endroit qui soit trop éloigné de Dieu, au point que celui-ci ne pourrait plus entendre la voix de celui qui crie à lui… Il n’y a pas de désespoir ou de sensation d’être abandonné trop profond(e), pour que Dieu ne puisse plus entendre la voix de celui qui crie à lui…

 Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri de reconnaissance, J'accomplirai les vœux que j'ai faits :Le salut appartient à l'Éternel. ( v. 10 )

 Ce que Jonas a compris change sa vie. L’homme qui ne voulait plus servir le Seigneur, qui voulait même fuir « loin de sa face » ( 1.3 ), offre maintenant des sacrifices de louange, il renouvelle son engagement au service : « J'accomplirai les vœux que j'ai faits ». Parce qu’il a compris et expérimenté que « Le salut appartient à l'Éternel ».

 Nous verrons dimanche prochain que tout n’en a pas pour autant été « comme sur des roulettes » pour Jonas. Rappelons-nous seulement ici que

 -> l’expérience de la grâce se doit de déboucher sur un réengagement à la fidélité et au service, sur un changement de vie et d’attitude, en fonction de ce que le Seigneur aura pu nous révéler.

Conclusion

L’Eternel parla au poisson qui vomit Jonas sur la terre ferme

 A la fin, Jonas est un homme sauvé, qui a expérimenté la grâce de Dieu et qui a été délivré malgré sa désobéissance.

 

-> Dieu est fidèle, même lorsque nous ne le sommes pas. Sa grâce est plus grande que nos manquements et nos errances !

 Ce n’est pas là bien sûr un encouragement à vivre dans la désobéissance en comptant sur la grâce de Dieu. Une telle attitude n’honorerait pas le Seigneur ! Mais ce psaume de Jonas nous rappelle que le cri sincère adressé à Dieu est efficace, malgré les manquements et les errances qui peuvent être les nôtres – en particulier lorsque nous sommes en situation de crise… C’est pour moi un grand encouragement. Nous ne nous sentons parfois « pas dignes » de prier, il nous arrive parfois de penser que le Seigneur ne peut pas accepter notre prière à cause de ce qu’on a fait…

 Rappelons-nous alors ce psaume de Jonas, et confions-nous dans la grâce de notre Dieu ! Amen.

Denis Kennel