Église de la Vôge

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Jonas, à la découverte de l’amour de Dieu
Jonas, fils d’Amittaï (4)

* Jon 4.1-11 *

Introduction & Lecture biblique

Au programme de ce matin : la suite et la fin de l’histoire de Jonas, que nous avons commencé à étudier il y a quelques dimanches maintenant. Nous avons vu successivement les 3 1ers chap., et arrivons donc aujourd’hui au 4ème et dernier chap. de ce livre.

 * Jon 4.1-11

Voilà donc la chute de l’histoire ! Comme je l’ai déjà plusieurs fois mentionné dans mes 1ères prédications, c’est dans ce 4ème et dernier chap. du livre de Jonas que nous découvrons les raisons profondes du conflit qui oppose le prophète à son Dieu.

Nous sommes en quelque sorte au cœur de la crise… Vous savez : ce moment où on se balance généralement tous nos arguments à la figure de manière pas toujours très modérée et diplomatique ! Le moment où on « pète les plombs », comme on dit. Parce que finalement, c’est un peu ça qui lui arrive à Jonas… Il « pète les plombs » !!

 Et je trouve intéressant de voir comment Dieu va s’y prendre avec lui dans ce contexte de tension extrême. Nous avons là je crois quelques pistes qui peuvent nous aider à gérer nos propres crises… Mais avant cela, avant de voir comment Dieu s’y prend avec Jonas, j’aimerais revenir sur les éléments qui sont à l’origine du conflit – ce que j’appellerais « La crise de Jonas ».

I. La crise de Jonas

Les raisons de la crise ( rappel )

 La fin de ce chap. 4 est très claire à ce sujet : le problème de Jonas, c’est qu’il ne veut pas que les ninivites se convertissent… Pourquoi cela ? Parce que ces ninivites sont les ennemis de la nation d’Israël, des gens qui – aux yeux du prophète – sont tout juste bons pour le jugement et l’abattoir. Et Jonas, qui sait que le Seigneur est un Dieu de grâce, ne veut pas. Il ne peut tout simplement pas accepter l’idée que Dieu puisse faire grâce aux ennemis de sa nation : cela lui semble profondément choquant, injuste – comme cela peut l’être à nos yeux lorsque nous prenons conscience que le Seigneur nous envoie annoncer son message aussi auprès d’hommes et de femmes qui à nos yeux ne le méritent pas parce que nous les estimons trop « mauvais ».

 Le problème de Jonas, finalement, est un problème de cadre… Jonas fonctionne avec un cadre, le cadre typique de sa nation, de sa culture, cadre qu’on pourrait définir de la manière suivante : LES NINIVITES SONT DES ENNEMIS ET ILS NE MERITENT PAS LA GRACE DE DIEU, ILS NE MERITENT PAS QU’ON S’OCCUPE D’EUX OU QU’ON AIT DE LA CONSIDERATION POUR EUX. Mais voilà qu’un jour, Dieu fait éclater le cadre de Jonas. Le prophète prend conscience que la perspective de Dieu est beaucoup plus large que son cadre… Il prend conscience que cette perspective ne se limite pas à son bien-être personnel mais qu’elle englobe tous les hommes et les femmes de ce monde. Il découvre une perspective divine qui l’oblige à chercher l’intérêt et le bien-être des autres avant le sien propre, une perspective qui lui demande d’aller vers les autres aussi mauvais soient-ils… Ce qui ne peut se faire qu’au prix du renoncement à certaines des idées qu’il a pu se forger, sur lui-même autant que sur les autres. Et c’est pour cela qu’il est en crise, Jonas.

 De quoi Jonas a-t-il besoin, finalement ?

De quoi a-t-il besoin, finalement ? Tout simplement – si on peut dire « simplement », parce que la mise en pratique est loin d’être simple ! –, de SORTIR DE SON CADRE POUR EPOUSER LA PERSPECTIVE DE DIEU.

Et c’est là je crois ce que Dieu va l’inviter à faire, en particulier – mais pas seulement – au travers des événements que nous rapporte le chap. 4. Comment Dieu se comporte-t-il avec son prophète récalcitrant ? C’est toute la question des interventions de Dieu auprès de Jonas.

II. L’intervention de Dieu

Dieu ne rejette pas Jonas

 Tout d’abord, ce qui me semble fondamental de réaffirmer, c’est que Dieu ne rejette pas Jonas. Bien au contraire, il intervient à plusieurs reprises, pour tenter de lui ouvrir les yeux et l’aider à voir au-delà de ses œillères. Rappelez-vous :

 • Il y a eu la tempête, le chef d’équipage, le tirage au sort qui a obligé Jonas à se dévoiler, les marins, etc. : autant d’occasions d’interpeller Jonas, avec en particulier ces païens qui se révèlent avoir une plus grande crainte de l’Eternel !

• Et il y a eu, bien sûr, le poisson : tout aussi inconfortable qu’il ait dû être, il n’en a pas moins sauvé la vie de Jonas.

• Sans oublier, encore, ce fait que nous négligeons peut-être parfois : le fait que c’est de nouveau à Jonas que Dieu s’est adressé pour aller à Ninive ( alors qu’il aurait très bien pu penser que son prophète était tellement borné qu’il valait mieux en prendre un autre… ).

 

Bref, Dieu n’a pas rejeté son prophète, malgré toutes les imperfections et les manquements de ce dernier. LE SEIGNEUR A CONTINUE A SE SERVIR DE JONAS, MAIS AUSSI, – ET C’EST FONDAMENTAL DE LE NOTER –, IL A TOUT FAIT POUR CHERCHER A FAIRE PROGRESSER JONAS QUANT A LA COMPREHENSION QUE CELUI-CI POUVAIT AVOIR DU PLAN ET DE LA MANIERE D’AGIR DE DIEU. C’est une grâce que le Seigneur nous fait de nous utiliser et de continuer à le faire malgré tous nos défauts et nos visions étriquées. Mais nous ne devons pas oublier que quand le Seigneur nous utilise, il veut aussi nous former, pour que nous comprenions mieux sa perspective et puissions toujours mieux nous y inscrire. Cette dimension ressort il me semble très fortement de notre 4ème chap. du livre de Jonas.

L’intervention-formation de Dieu ( Jon 4 )

Dieu commence d’abord par questionner Jonas sur ses propres sentiments – une même question, à 2 reprises : « Fais-tu bien de te fâcher ? » ( v. 4,9 )… Il l’invite à réfléchir sur ses sentiments et son attitude, à prendre conscience que sa réaction face à la repentance des ninivites n’est pas juste. Avec cette question, Dieu s’attaque au sentiment de certitude qu’éprouve Jonas. Parce qu’il est bien sûr de lui, Jonas… Regardez bien le texte : c’est tout juste s’il ne dit pas à Dieu que s’il s’est enfui à Tarsis, c’est pour lui éviter à lui – à Dieu, donc – de faire l’erreur de pardonner les ninivites !! Parce que lui, évidemment, Jonas, il sait mieux, il connaît Dieu, et il sait quelle est la meilleure attitude à avoir pour que les choses restent dans le bon ordre et que se réalise ce qui est « juste ». Dieu, en posant cette question, montre à Jonas qu’il doit se méfier de ses certitudes…

 

La 1ère fois que Dieu pose la question ( v. 4 ), Jonas ne répond pas. Dieu le met alors en situation. Au-dessus de la cabane que Jonas s’est construite, Dieu fait pousser un ricin pour donner de l’ombre à Jonas et même – dit le texte – « pour lui ôter sa mauvaise humeur » ( v. 6 ). Jonas se réjouit : « Merci Seigneur pour ce que tu fais pour moi ! ». Mais voilà que le lendemain Dieu envoie un ver qui pique le ricin, le ricin meurt, et Jonas commence à dépérir. Nouvelle colère – ou défaillance – du prophète, qui demande la mort… Pour la 2ème fois, Dieu repose la même question : « Fais-tu bien de te fâcher ( à cause du ricin ) ? » ; Jonas persiste et signe : « Oui, je fais bien de me fâcher jusqu’à la mort » ( v. 9 ). Et c’est alors que Dieu fait cette réponse à Jonas, une réponse qui m’apparaît être comme une ultime tentative de Dieu d’inviter le prophète à sortir de son cadre pour comprendre la perspective de Dieu : « Tu as pitié du ricin [ sous-entendu : qui n’est pas grand-chose, qui ne t’a rien couté et que tu n’as pas créé ] … Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville [ sous-entendu : des gens qui ont de la valeur, que j’ai créés et qui ont besoin de recevoir ma grâce ] » ( v. 10-11 ).

 

Comment comprendre cette histoire de ricin ? J’y vois personnellement une nouvelle tentative de Dieu de montrer à Jonas que s’il peut vivre, ce n’est ni parce qu’il appartient au peuple élu, ni parce qu’il serait meilleur que les autres, mais uniquement parce qu’il est au bénéfice de la grâce de Dieu. Le ricin, en effet, n’est rien de moins qu’une nouvelle grâce de Dieu, un cadeau immérité de Dieu qui permet à son prophète de survivre. C’est finalement une expérience très proche de celle du poisson, qui fut déjà en son temps un moyen de salut pour Jonas.

 

Alors, pourquoi ce rappel insistant de la grâce de Dieu à Jonas ?

 

->  J’ai l’impression que c’est en faisant à plusieurs reprises expérimenter à Jonas la profondeur infinie de sa grâce que DIEU VEUT FAIRE PRENDRE CONSCIENCE A SON PROPHETE QU’IL DOIT ETRE BIEN PLUS HUMBLE QUANT AUX REGARDS QU’IL POSE SUR TOUS CEUX AUTOUR DE LUI QUI N’ENTRENT PAS DANS SON OU SES CADRE(S). Etant lui-même – malgré toute son indignité et ses manquements – au bénéfice de la grâce de Dieu, il n’a tout simplement pas le droit d’estimer que les autres pourraient ne pas être assez dignes pour être eux aussi mis au bénéfice de cette grâce. Parce qu’il ne leur est en rien supérieur : Dieu les aime tout autant que lui.

 

-> Jonas avait du mal à aller vers les autres à cause du cadre qu’il s’était forgé quant à ce qu’il considérait être juste… Dieu en le questionnant et en lui rappelant qu’il n’avait aucun mérite et ne vivait lui-même que par la seule grâce divine l’a invité à sortir de son cadre, à jeter un regard différent sur les autres et à aller vers eux. Il en va de même pour nous… Mais pour cela, encore faut-il être conscient que tout ce que nous sommes nous a été donné, par pure grâce, et que nous n’avons aucune gloire à en tirer. Nous aurons du mal à aller vers les autres si nous n’intégrons pas cela !

III. Pour nous aujourd’hui

J’entre avec cette remarque dans les applications pratiques pour nous aujourd’hui. Je vous en propose quelques-unes que je retiens pour ma part de cette histoire de Jonas :

 

(1) Les voies de Dieu, nos voies – Le plan de Dieu, nos cadres limités et rigides

 

Il y a tout d’abord la question des voies de Dieu et de nos voies, du plan de Dieu et de nos cadres souvent limités et rigides…. Comme Jonas, nous fonctionnons avec des cadres : ce qui est normal, pas normal, les gens bien, les gens pas bien, les forts, les faibles, les spirituels, les charnels, les engagés, les pas engagés, etc. Et on catégorise : celui-là, ici, celle-là, là-bas, etc.

 

On peut discuter sur l’utilité de tels cadres. Certains estiment qu’ils peuvent avoir une certaine utilité. C’est vrai aussi que la Bible en emploie certains… Je n’entrerai pas dans ce débat. Le problème ne réside pas tant je crois dans nos cadres que dans la manière dont ils influencent nos relations. En d’autres termes, pour le dire plus clairement : le problème, me semble-t-il, c’est quand nos cadres nous empêchent d’aller vers les autres, voire nous amènent à nous couper d’eux, alors que Dieu nous appelle à être pour eux des vecteurs, des canaux de sa grâce…

 

Comme Jonas, Dieu nous appelle à SORTIR DE NOS CADRES POUR EPOUSER SA PERSPECTIVE – cette perspective divine qui nous appelle à ne pas chercher notre propre intérêt mais celui des autres. L’apôtre Paul n’a pas dit autre chose quand il écrivait aux Philippiens :

- « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » ( Phi 2.4 )…

 

Mais comment sortir de nos cadres, ou du moins faire en sorte qu’ils ne viennent pas nous empêcher d’épouser la perspective de Dieu ?

 

(2) Comment sortir de nos cadres ?

 

L’histoire de Jonas nous offre 2 éléments de réponse à cette question.

/ i / Il y a tout d’abord le fait d’ACCEPTER LE QUESTIONNEMENT DE DIEU. « FAIS-TU BIEN DE… ? » : Fais-tu bien de te fâcher, mais aussi : fais-tu bien de réagir ainsi, d’adopter telle ou telle attitude, tel ou tel comportement ? Je suis surpris par le degré de certitude que nous avons parfois quant aux opinions que nous pouvons avoir sur les personnes ou les événements qui nous entourent… Et je reconnais bien volontiers que je ne suis pas le dernier dans ce domaine ! C’est important je crois que nous pensions à laisser toujours le Seigneur questionner nos certitudes. Parce que quelque part, c’est dangereux d’être sûr d’avoir raison, d’être sûr d’être dans le vrai. Cela peut empêcher de voir les choses comme Dieu les voit… Même nos ministres et nos magistrats, suite à une certaine affaire qui a pris des dimensions tragiques en partie à cause d’un juge trop pétri de certitudes ( je veux parler d’Outreau et du juge Burgaud ), parlent aujourd’hui de la nécessité de « maintenir la culture du doute ». Etre trop sûr de soi nous emprisonne dans nos propres cadres, avec le résultat que cela nous empêche d’aller vers les autres quand ceux-ci ne correspondent pas aux cadres que nous nous sommes forgés… La perspective de Dieu reste le service du prochain, la recherche de la paix et de l’édification mutuelle en particulier dans la communauté des croyants. Là encore, Paul n’a pas dit autre chose quand il écrivait aux Romains :

- « (…) le royaume de Dieu, c’est (…) la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. Celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu et approuvé des hommes. Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle » ( Rm 14.17-19 ).

Nous devons je crois être particulièrement prudents et attentifs à ne pas laisser nos certitudes nous éloigner de cette perspective ! Et la question de Dieu peut alors nous aider : « Fais-tu bien de… ? »

 / ii / Deuxième élément, pour nous aider à sortir de nos cadres ou faire en sorte qu’ils ne viennent pas nous empêcher d’épouser la perspective de Dieu : LA REDECOUVERTE DE LA GRACE ET DE L’AMOUR DE DIEU DONT NOUS SOMMES NOUS-MEMES L’OBJET. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve personnellement frappant de voir comment Dieu cherche à rappeler à Jonas à quel point il est, tout prophète qu’il soit, lui-même entièrement dépendant de la grâce de Dieu, et ce malgré même ses manquements et ses errances… A nouveau, je pense à une parole de l’apôtre Paul, adressée cette fois aux Corinthiens :

- « Car qui est-ce [ ou : qu’est-ce ] qui te distingue ? Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu ? » ( 1 Co 4.7 ).

Des fois je me dis que si nous avons tant de mal à aller vers les autres, qu’il s’agisse de non-croyants ou de nos frères et sœurs en la foi, c’est peut-être parce que nous ne sommes pas ( ou plus ) assez conscients à la fois * de ce que nous sommes dans notre pauvreté, et ** de ce que nous avons reçu malgré nos manquements et nos errances. Nous rappeler la grâce reçue et notre absence de mérite, peut je crois nous aider à jeter un regard différent sur l’autre, nous aider à aller vers lui, nous aider à sortir de nos cadres pour épouser la perspective de Dieu. Au bout du compte, c’est une attitude d’humilité que le Seigneur nous demande d’avoir…

Conclusion, en forme de question…

L’histoire de Jonas reste en suspend… Elle reste sur une question posée… Nous aimerions bien savoir ce que Jonas a fait, la Bible ne le dit pas. Peut-être est-ce fait exprès, pour nous montrer que ce qui importe finalement, c’est ce que nous ferons, nous, ce que nous répondrons, nous…

 

SOMMES-NOUS PRETS, NOUS,

• A LAISSER DIEU QUESTIONNER NOS CERTITUDES ?

• A SORTIR DE NOS CADRES POUR EPOUSER LA PERSPECTIVE DE DIEU ?

 

Un commentateur écrivait, en conclusion de l’histoire de Jonas, la chose suivante :

« Il appartient à la liberté de l'homme d'entrer dans la pensée et dans le sentiment de Dieu, ou de persister dans sa propre volonté. C'est ainsi qu'après avoir révélé la pensée de Dieu, l'Ecriture se tait, laissant à l'homme le soin d'achever le récit en l'acceptant ou en la repoussant. »

Que le Seigneur, dans sa grâce immense, nous aide à achever – chacun pour ce qui le concerne et pour sa vie – le récit de Jonas !
Amen.

Denis Kennel