Église de la Vôge

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La lettre à Ephèse

*Ap 2.1-7 *

Introduction & Lecture biblique

-> Début aujourd’hui d’une série de prédications sur les « 7 lettres aux Eglises » dans les chapitres 2 & 3 du livre de l’Apocalypse.

• L’Apocalypse, un livre qui fait un peu peur, et c’est vrai pas toujours facile d’interprétation…

• Un message écrit en langage codé, pour ne pas éveiller les soupçons de l’empereur et des pouvoirs politiques en place alors qu’on dénonce par ex. l’idolâtrie et l’orgueil de ces derniers.

• Mais en même temps, et surtout, un livre qui parle de victoire : la victoire de Jésus-Christ ressuscité, sa souveraineté sur les événements et les pouvoirs du monde.

• Un message de réconfort, adressé aux chrétiens et aux Eglises qui en cette fin de 1er siècle subissent la persécution et commencent peut-être à douter un peu face aux circonstances défavorables, si ce Jésus-Christ en qui ils ont cru et mis leur confiance est véritablement le Maître et le Seigneur de l’histoire…

Le livre commence par une vision magistrale de Jésus dans toute sa gloire ( Ap 1.9-20 ) ; Jésus qui charge Jean de délivrer un message à 7 Eglises d’Asie Mineure, sous la forme de lettres adressées à chacune d’elles : Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée ( Ap 2-3 ).

 

Chacune de ces villes, bien sûr, se trouve dans une situation géographique et historique précise, mais le message global adressé par le Seigneur ne l’est pas moins à toute son Eglise, – l’Eglise de Jésus-Christ de tous les lieux et de tous les temps ( cf. la symbolique du chiffre 7 ). C’est pour cela qu’il est encore intéressant pour nous aujourd’hui de nous pencher sur ces lettres…

 

Aujourd’hui, donc, une 1ère lettre, adressée à l’Eglise d’Ephèse

 

*Ap 2.1-7

 

Pour bien comprendre les enjeux de la lettre, il est nécessaire de donner quelques détails sur cette ville d’Ephèse, et sur l’Eglise qui s’y trouvait.

I. Ephèse : la ville, l’Eglise

On est, quand l’apôtre Jean écrit son Apocalypse, à la fin du 1er siècle ap JC… Ephèse est une ville riche et prospère. Elle a certes perdu un peu de sa superbe ( depuis sa fondation, aux alentours de l’an 1000 av JC ), mais elle reste un des centres commerciaux les plus importants de l’Asie.

 

C’est une ville réputée pour son temple, le temple de Diane ( Artémis ), déesse de la fécondité. Un temple qui servait de banque ( on y déposait des trésors ), de musée, de lieu de refuge pour les criminels, etc. Il fournissait en outre du travail à beaucoup de personnes, en particulier aux nombreux orfèvres qui en fabriquaient des miniatures.

 

Il y avait encore, à côté de ce temple de Diane, un temple consacré au culte impérial, culte de l’empereur ( romain, – vous savez, ces personnes qui avaient tendance à demander qu’on les adore comme des dieux… ).

 

Ephèse, ainsi, est un grand centre politique, économique et religieux, pour toute la région, les 3 dimensions étant étroitement imbriquées les unes dans les autres… La religion fait vivre l’économie, légitime le politique, et vice-versa.

 

Et c’est dans cette ville que l’apôtre Paul va passer, un jour, en rentrant de son 2ème voyage missionnaire ( Ac 18.19-21 ). Un simple passage, mais il y retournera lors de son 3ème voyage missionnaire, pour y rester cette fois 3 années ( Ac 20.31 ). Le Seigneur bénira son travail, qui aura de grandes répercussions non seulement dans la ville, mais dans toute la région ( Ac 19.10 ).

 

Ce travail, cependant, se heurtera aussi à des difficultés : le livre des Actes ( Ac 19.23-40 ) raconte comment, notamment, un orfèvre d’Ephèse, un certain Démétrius, ira jusqu’à fomenter une émeute dans la ville contre Paul et ses collaborateurs, puisqu’il se rendait bien compte que le message de l’Evangile prêché par l’apôtre était en train de lui faire perdre ses clients et ses revenus ( Paul annonçait en effet que les idoles faites de mains d’hommes – càd celles que faisaient Démétrius et les orfèvres – n’étaient pas des vrais dieux et ne pouvaient donc pas apporter quelque salut ou protection que ce soit… ).

 

L’émeute n’empêchera pas la propagation de l’Evangile, et c’est de là qu’est issue l’Eglise d’Ephèse, dont on peut estimer la fondation aux alentours de 55 ap JC. Ce qui veut dire que quand Jean écrit, à la fin du 1er siècle, cette Eglise a environ une 40aine d’années… 40 ans, c’est une génération, et il semble bien que les enfants des « pionniers » n’avaient plus la spontanéité, l’enthousiasme et l’ardeur que leurs parents avaient manifestés vis-à-vis de l’Evangile. L’environnement pas forcément très accueillant, la rivalité entretenue par ceux qui voyaient d’un mauvais œil cette religion chrétienne qui mettait en péril leurs affaires, etc. expliquent peut-être cela.

 

Le Seigneur, cependant, ne commence pas par des reproches…

II. Je connais…

« Je connais tes œuvres, ton travail [ta peine] et ta persévérance » ( v. 2 ). L’Eglise est louée pour ses œuvres, son travail et sa persévérance… Et même, pour son « intolérance » puisqu’elle a éprouvé ceux qui se disaient apôtres, les a trouvés menteurs et les a rejetés ( v. 2 ). Cela lui a visiblement causé de la souffrance : « tu as souffert à cause de mon nom » ( v. 3 ), mais elle ne s’est pas lassée.

 

Jean parle des « nicolaïtes » ( v. 6 ). Il s’agissait vraisemblablement de personnes qui pensaient que les chrétiens pouvaient sans problème participer aux banquets idolâtres et immoraux des païens qui avaient lieu dans les temples. Selon ces nicolaïtes, – sans doute les faux-apôtres du v. 2 –, ce qu’on faisait de son corps n’avait que peu d’importance, seul comptait l’esprit. A partir de là, on pouvait bien pactiser avec le monde, l’idolâtrie, les religions païennes et magiques : cela ne concernait que le corps, le visible, mais pas l’esprit qui pouvait bien, lui, rester attaché au seul vrai Dieu. Plus subtilement, on pouvait en déduire qu’il était même stupide de risquer l’emprisonnement, les supplices et la mort pour des motifs de conscience religieuse… Parce qu’on pouvait par ex. très bien rendre avec nos corps à l’empereur le culte qu’il demandait, puisqu’on était au clair dans notre esprit que de toutes façons seul comptait Dieu. L’avantage, avec ça, c’est qu’on évitait bien des problèmes et des tracasseries… L’empereur était content, et nous on était tranquille.

 

On comprend le danger de cette manière de penser ! Là encore, l’Eglise d’Ephèse a visiblement su ne pas tomber dans le piège. Le Seigneur le reconnaît : « tu as ceci pour toi, c’est que tu as de la haine pour les œuvres des nicolaïtes » ( v. 6 ).

 

Voilà donc une Eglise qui, nous l’avons vu, était dans un contexte pas évident, a subi des épreuves, mais a su malgré tout rester fidèle, dans la bonne doctrine, sans se lasser. Même si elle a dû quelque part payer le prix de sa fidélité.

 

-> C’est là un bilan plutôt positif, dont on aimerait bien quelque part qu’il soit aussi nôtre, n’est-ce pas ? Mais voilà, il y a quand même un problème…

III. Mais… L’abandon du 1er amour

« (…) j’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour » ( v. 4 ). C’est presqu’un peu choquant d’entendre ça ! Cette Eglise d’Ephèse travaillait pour le Seigneur avec persévérance, elle pratiquait des œuvres bonnes, avait su garder la bonne doctrine, mais tout cela n’a pas empêché son amour pour le Seigneur de se refroidir. Comment est-ce possible ?

 

Je ne sais pas comment c’est possible, mais ce qui compte, c’est que ça l’est, visiblement :

  • comme on peut par ex. rester fidèle et même attentionné à l’égard de son conjoint, mais ne le faire que par sens du devoir ou obligation morale, et plus par amour ;
  • comme on peut participer fidèlement aux cultes et réunions de son Eglise, avec une grande régularité, mais en le faisant par habitude, devoir, tradition, etc.

 

Il est où, le problème ? Parce qu’on pourrait très bien se dire qu’après tout, ce qui compte c’est quand même que le travail soit fait, qu’on soit là, engagé et tout et tout… Après, si nos motivations ne sont pas toujours au top, est-ce si grave que cela ?

 

Le problème, je crois, c’est qu’il manque le cœur, ce qui est au centre de notre action, à savoir la reconnaissance qui découle d’une juste compréhension de ce que Jésus a fait pour nous… Le Seigneur ne veut pas qu’on le serve par devoir, parce qu’on doit, mais qu’on le fasse par amour, en réponse à l’amour qu’il nous a exprimé en Jésus-Christ. Quelque part, on peut le comprendre : aucun de nous n’apprécierait je pense que notre conjoint ne nous soit fidèle que par devoir...

 

Le mobile de toute action valable pour Dieu, c’est l’amour : amour de Dieu, dont on sait qu’il se traduit concrètement par l’amour du prochain. C’est important pour nous, aussi : parce que c’est seulement cet amour que Dieu met dans nos cœurs qui nous permet de continuer à servir, dans un bon esprit, même si on se heurte à des déceptions, comme par ex. quand les autres ne réagissent pas favorablement à ce qu’on fait, ne le voient même pas ou y trouvent toujours quelque chose à redire…

 

L’importance de l’amour, à la base de la motivation de nos actes. Et là nous sommes tous quelque part en question… Pour le Seigneur, c’est une dimension fondamentale. On retrouve bien sûr les accents d’1 Co 13.

 

*1 Co 13.1-3

 

Quelle est la motivation de mon action pour Dieu, de mon engagement à l’Eglise, etc. ? Il y a parfois je crois nécessité de se poser un peu, de se replacer devant le Seigneur, et peut-être de se repentir. Tel est en tous cas le chemin qu’indique le Seigneur.

IV. Le remède

« Souviens-toi (…) d’où tu es tombé » ( v. 5 ). Il y a d’abord besoin d’un retour en arrière. Essayer de se rappeler les événements qui ont fait que j’ai peut-être perdu pied ( ou que nous avons perdu pied, si on pense en terme d’Eglise ). Ce peut-être

  • des choses qui m’ont énervé ou déçu, que j’ai enfouies en moi mais pas vraiment oubliées ;
  • des blessures ou des sentiments que j’ai gardés en moi sans vraiment pardonner de tout mon cœur ;
  • des situations que j’ai laissées s’installer dans ma vie qui font que je n’ai tout simplement plus le temps, débordé que je suis, – parce qu’il faut du temps, pour pouvoir aimer…

etc.

 

« Souviens-toi (…) d’où tu es tombé, repens-toi » ( v. 5 ). Càd ose nommer péché ce qui est péché, reconnaître la poutre dans ton œil, pas pour te culpabiliser mais pour le confesser à Dieu pour qu’il t’en libère. On ne parlera jamais assez de l’importance de la repentance, retour à Dieu dans une attitude de foi et de confiance, pour qu’il change nos cœurs – et les remplisse justement de son amour ! Parfois on pense qu’en tant que chrétien, on n’en a pas besoin. Combien une telle pensée est erronée !

 

Enfin, « pratique tes premières œuvres » ( v. 5 ), càd celles que tu faisais et qui étaient alors véritablement inspirées par l’amour… On le dit : c’est en forgeant qu’on devient forgeron. C’est en pratiquant nos œuvres dans un esprit de repentance, après avoir pris conscience qu’on avait perdu la seule bonne motivation aux yeux de Dieu, l’amour, que le Seigneur nous fait la grâce de nous remplir à nouveau de cet amour. Parce qu’il est toujours prêt à venir changer nos cœurs lorsqu’on le lui demande.

 

Tel est le chemin de la victoire… « Au vainqueur, je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu » ( v. 7 ).

V. Quel message pour nous aujourd’hui ?

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve personnellement que le message adressé par le Seigneur à l’Eglise d’Ephèse est toujours aussi pertinent pour nous aujourd’hui…

 

Quelques questions que cette lettre nous pose

 

* Avons-nous perdu notre 1er amour ? Une question qui se pose à 2 niveaux : Ai-je moi, perdu mon 1er amour ? Mais aussi : Notre Eglise a-t-elle perdu son 1er amour ?

* Qu’est-ce qui nous fait venir le dimanche matin et participer à nos différentes activités d’Eglise ? Venons-nous par amour pour Dieu, et pour les autres ? Si c’est vraiment cet amour qui nous pousse, est-ce que ça ne devrait pas changer parfois certaines choses dans ce que nous vivons entre nous ?

 

Ce sont des questions dérangeantes, certes, mais qu’il vaut peut-être parfois la peine d’avoir le courage de se poser…

 

Quelques pensées que je garde

 

Ø Notre motivation compte plus aux yeux de Dieu que nos actions.

Ø Les circonstances défavorables et les oppositions en tout genre ne sont pas une excuse, parce que Dieu peut toujours changer nos cœurs…

Ø Le Seigneur voit. Il voit notre labeur, notre peine parfois, notre découragement. Il voit nos œuvres, ce que nous faisons, etc. S’il questionne notre motivation, ce n’est pas pour nous enfoncer, mais pour nous aider à vivre mieux notre engagement pour lui.

Ø Le Seigneur ne fait pas que mettre le doigt là où ça ne va pas, il propose aussi des solutions. Justement pour ne pas entrer dans le défaitisme ( « De toutes façons ça ne sert à rien » ! ), pour ne pas non plus entrer dans la logique destructrice qui consiste à penser que le problème vient des autres et que s’ils étaient différents on pourrait les aimer plus facilement, le Seigneur nous propose de changer notre cœur, nous remplir de son amour, pour lui, pour les autres, et renouveler ainsi la motivation de notre engagement et de notre service pour lui… Mais pour cela, il faut entrer dans la démarche qu’il préconise : « Souviens-toi (…) d’où tu es tombé, repens-toi et pratique tes premières œuvres » ( v. 5 ).

 

Puisse le Seigneur nous aider sur ce chemin,

 

Amen.

Denis Kennel