Église de la Vôge

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La lettre à Pergame

* Ap 2.12-17 * 

Introduction & Lecture biblique

-> Série de prédications sur les « 7 lettres aux Eglises » dans les chapitres 2 & 3 du livre de l’Apocalypse.

 Aujourd’hui, la 3ème des 7 lettres, adressée à l’Eglise de Pergame

 *Ap 2.12-17

I. Pergame : la ville, l’Eglise

Pergame, là où se trouve le « trône de Satan » ( v. 13 )… Nous voilà de nouveau dans une ville où la vie semble bien avoir été plutôt difficile pour les chrétiens…

Pergame était connue pour sa folie des grandeurs. Tout, dans cette ville, devait être plus grand qu’ailleurs : les colonnes, les bibliothèques, les temples, etc. Orgueil de la ville, orgueil de l’homme. En ce qui concerne les temples, plus particulièrement, il y en avait à Pergame un nombre imposant et – comme je viens de le dire – de tailles souvent considérables :

  • un autel monumental dans la ville haute, dédié apparemment à tous les dieux ( et pas seulement à Zeus comme on l’a d’abord supposé ) ;
  • un temple pour Athéna, déesse de la sagesse ;
  • un temple pour Bacchus, le dieu des festivités ;
  • et surtout, le temple d’Esculape, le dieu-serpent de la santé, qui avait fait de Pergame le lieu de rendez-vous de nombreux pèlerins venus chercher la santé ;
  • ce à quoi il fallait ajouter encore les nombreux temples dédiés aux empereurs, – c’est à Pergame qu’on a construit le 1er temple dédié à un empereur romain, l’empereur Auguste –, importance majeure donc du culte impérial : Pergame en était le centre pour toute la province…

 C’est peut-être davantage ce dernier aspect que Christ avait à l’esprit quand il a parlé de Pergame comme du lieu où se trouvait le « trône de satan ». Ce culte impérial qui, mis en place et promu par le pouvoir politique romain, devenait généralement très vite persécuteur pour qui ne se pliait pas à ses exigences. Ce n’est sans doute pas un hasard si Jésus parle dans la même lettre de son témoin fidèle, Antipas, mis à mort « là où demeure Satan » ( v. 13 ).

 Mais voilà, il y avait aussi dans cette ville une Eglise… Une Eglise dont nous ignorons l’origine mais qui – n’est-ce pas là le plus important ? – avait su demeurer fidèle : « Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié ma foi » ( v. 13 )… Bien que Satan ait eu son trône à Pergame et qu’Antipas y ait été mis à mort à cause de sa fidélité à Jésus, les croyants de cette ville ne s’étaient pas découragés ; ils étaient restés fermement attachés à leur foi, à leur Christ. Echec donc aux entreprises sataniques qui visaient par la menace à faire renier aux chrétiens leur foi, même si elles étaient pour cela allées jusqu’à se concrétiser dans un martyre…

II. Je connais… La fidélité dans la persécution

  • « Je sais où tu demeures » ( v. 13 )… On retrouve ce qu’on avait déjà relevé dans les 2 1ères lettres ( à Ephèse et Smyrne ) : à savoir cette affirmation d’un Dieu qui connaît, qui voit les difficultés dans lesquelles se trouvent ses enfants.

 

C’est vrai qu’on peut parfois, quand on est dans les difficultés, aller jusqu’à se demander à quoi ça sert de rester encore fidèle. On a parfois cette impression désagréable que non seulement ça ne sert à rien, mais qu’en plus ça nous attire des ennuis… A quoi bon continuer ? Ne serait-il pas plus simple d’abandonner, de laisser tomber, même si notre fidélité à Jésus doit en prendre un coup ?

 

Il est important alors de se rappeler que le Seigneur voit, connaît…

  • Dieu nous voit, il nous voit vraiment dans nos difficultés ;
  • il sait où nous sommes et ce que nous vivons ;
  • nos cris ne sont pas vains, ils parviennent à Dieu qui les entend…

 

Nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur honore la persévérance de celui qui reste fidèle, engagé à son service, malgré des circonstances éventuellement difficiles ou décourageantes. Nous avons là je crois un puissant encouragement à ne pas négliger. Un aspect fondamental qui ressort de ces lettres !

 

Maintenant, bien sûr, ce qu’il faut dire aussi, c’est que si le Seigneur connaît les situations difficiles auxquelles nous sommes confrontés, il voit aussi ce qui ne va pas, ce qui doit être corrigé…

III. Mais… La tentation du compromis

— « J’ai contre toi certains griefs [quelques petites choses] » ( v. 14 )… L’Eglise avait au milieu d’elle des personnes attachées à des fausses doctrines, sans qu’elle n’ait semble-t-il véritablement pris position contre ces personnes / doctrines. De quoi s’agissait-il ?

(1) Il y avait d’abord des gens attachés à « la doctrine de Balaam » ( v. 14 ).

 

Le texte nous donne quelques détails. Ce Balaam, est-il écrit, « enseignait à Balaq à faire en sorte que les fils d’Israël trouvent une occasion de chute en mangeant des viandes sacrifiées aux idoles et en se livrant à la débauche » ( v. 14 ). Vous rappelez-vous cette histoire ? Il faut revenir à l’AT, dans le livre des Nombres ( 22-24 ; 31 ).

  •  Israël, à l’époque du début de la conquête de Canaan. Quelques victoires importantes déjà, qui commencent à faire peur aux peuples du pays et à leurs rois ; et qui font peur en particulier à un certain Balaq, roi du peuple de Moab.
  • Balaq envoie chercher le fameux Balaam, une sorte de devin qui a la réputation de pouvoir maudire et bénir. Il lui demande de venir pour maudire le peuple d’Israël afin qu’il puisse peut-être le battre et le chasser de son pays.
  •  Mais voilà que Dieu se révèle à Balaam pour lui dire qu’il ne peut pas maudire ce peuple d’Israël car il est béni de lui, Dieu.
  • S’en suit alors tout un échange entre Balaq et Balaam, au cours duquel Balaq essaye par tous les moyens de convaincre Balaam de quand même maudire le peuple, moyennant finances. Mais Balaam refuse : il ne peut prononcer sur Israël que la bénédiction, et non la malédiction commandée par le roi Balaq. Balaam qui apparaît donc comme un prophète fidèle à Dieu…
  • Cela dit, si on lit le texte en détail, on se rend assez vite compte que ce cher Balaam n’est pas si clair que ça. Attiré par l’appât du gain, il joue en quelque sorte avec le feu. Il ne prononce certes pas la malédiction que lui demande Balaq, mais il n’empêche qu’on voit quand même juste après son passage que le peuple d’Israël va « se livrer à la débauche avec les filles de Moab », lesquelles vont faire tomber les israélites dans l’idolâtrie ( « le peuple mangea et se prosterna devant leurs dieux » ) avec à la clé une sévère punition pour Israël ( cf. Nb 25-1-3 ).
  • Et on apprendra un peu plus loin ( Nb 31.16 ) que c’est en fait à l’instigation de Balaam que les femmes moabites ont entraîné Israël à l’infidélité dans cette triste affaire ( de Baal-Péor, cf. aussi 2 P 2.15-16 ). Balaam n’a donc pas maudit Israël, – en cela il a obéi à Dieu –, mais il a indiqué à Balaq comment faire pour faire chuter les israélites, – comme cela, il pouvait quand même toucher l’argent offert par Balaq ! –.

 

Balaam fut ainsi celui qui fit trébucher les israélites sur le chemin de la fidélité, en les faisant prendre part aux repas sacrificiels et en les poussant à la débauche… On peut à partir de là comprendre qui dans l’Eglise de Pergame étaient les personnes attachées à la doctrine de Balaam : des personnes qui pensaient ( et peut-être même enseignaient ) qu’on peut très bien rester fidèle à Jésus tout en mangeant les viandes sacrifiées aux idoles et en se livrant à la débauche ( les 2 allant généralement de pair ). On est très proche de la pensée du 2nd groupe visé dans la lettre, les nicolaïtes.

(2) Les personnes qui maintenaient la « doctrine des nicolaïtes » ( v. 15 ).

 Ces nicolaïtes dont nous avons déjà parlé avec la lettre à Ephèse : aussi des personnes qui pensaient que les chrétiens pouvaient sans problème participer aux banquets idolâtres et immoraux des païens qui avaient lieu dans les temples, puisque – disaient-ils – l’important c’est de croire ce qui est juste, avoir la bonne doctrine, après, ce qu’on fait avec nos corps est secondaire. La foi est quelque chose d’intellectuel, de cérébral, cela ne concerne pas la vie pratique de tous les jours. Pas la peine donc de se priver, voire de s’exposer à des sanctions ou à la persécution… On peut en effet, par ex., très bien rendre à l’empereur le culte qu’il demande ( avec nos corps ), puisqu’on sait bien, nous, au fond de nous ( dans nos esprits ), que ce n’est pas un vrai dieu.

 

-> Toute la question des compromis que l’on accepte, par peur, manque de courage, par facilité, pour se protéger, pour ne pas devenir un paria, etc. Il faut rappeler que le refus de manger de la viande sacrifiée aux idoles et surtout d’assister aux fêtes païennes obligeait les chrétiens à se couper d’une grande partie de la vie sociale de l’époque. Chaque profession avait ses dieux attitrés, qui étaient adorés au cours de ces fêtes, et celui qui n’y participait pas risquait tout simplement de perdre son travail et de ne plus pouvoir exercer son métier… On comprend bien à partir de là tout l’attrait que pouvaient avoir des discours qui disaient qu’on peut très bien être un bon chrétien « dans sa tête », tout en continuant finalement à vivre comme avant, histoire de ne pas se faire remarquer et donc de ne pas avoir de pots cassés à payer.

  •  L’Eglise de Pergame n’était visiblement pas consciente des dangers qu’entraînait une telle attitude de compromis et de semi-alliance avec le monde. Le Seigneur, en tous cas, l’appelle à une attitude radicale : « Repens-toi » ( v. 16 ). Il faut prendre position, combattre de tels enseignements qui conduisent les chrétiens tout droit au péché, comme ce fut le cas pour Israël avec les filles de Moab...

 

La question posée, finalement, est celle de la pureté. Le refus du compromis.

IV. Heureux les purs !

Et on entre avec cette question dans un domaine bien délicat. J’ai presqu’envie de dire qu’on a une théorie qui est claire, et une pratique qui est beaucoup plus difficile à cerner !

 

  • La théorie : le Seigneur nous appelle à ne pas faire de compromis, à rester purs pour lui ( être pur = être sans mélange ), à rechercher cette pureté, même ( cf. Mt 5.8, « Heureux ceux qui ont le cœur pur, – dit Jésus –, car ils verront Dieu » ).
  •  Mais comment vivre cela dans la pratique ?

* Pour certains, cela veut dire se couper de tout. Surtout ne jamais aller dans une fête où on risquerait d’entendre une chanson grivoise ou un gros mot. Surtout ne pas fréquenter des personnes qui pourraient nous « souiller » parce qu’elles vivent dans des situations que la Bible considère clairement comme du péché voire de la débauche. Mieux vaut ne pas avoir la télé ni internet, parce qu’on ne sait jamais sur quoi on pourrait tomber, – cf. le nombre de textes, de scènes, d’images, etc. qui pourraient salir nos esprits.

Questions : Peut-on encore apporter au monde un témoignage crédible avec une telle attitude ? Comment rejoindre les personnes qui ont besoin d’entendre parler du salut si on se coupe d’elles à ce point ?

* C’est pourquoi, pour ne pas tomber dans ces écueils, d’autres adoptent une attitude totalement opposée : si on croit que Dieu est avec nous, on peut aller partout, se comporter comme les autres pour bien montrer qu’on ne les juge pas, avoir des activités et épouser un style de vie qui sont tellement proches de ceux du monde qu’il devient quasiment impossible de voir qu’on est encore chrétien… Et à la limite, si pour pouvoir toucher quelqu’un je sens que je devrais l’accompagner dans certains lieux ou à certains spectacles « pas très corrects » ou plus ou moins vulgaires, et bien allons-y ! Jésus a bien mangé avec les prostituées, non ? Sans compter quelques avantages, non négligeables : je ne me fais pas trop remarquer, je ne risque pas de perdre mes amis…

Questions : Peut-on vraiment soutenir une telle manière de penser ? Qu’en est-il de la notion de pureté ? Une telle manière de penser n’est-elle pas à l’origine de certaines chutes dans la foi, chez des personnes qui se croyaient peut-être plus fortes qu’elles n’étaient en réalité, ou qui à force de jouer avec le feu ont fini par se brûler les ailes ?

 Pas facile de se situer entre ces 2 extrêmes – volontairement décrites comme telles, vous l’aurez compris j’espère ! –. Il faut je crois beaucoup de discernement pour vivre la pureté dans ce monde, pour être dans le monde sans être du monde, pour refuser le mélange sans pour autant se couper du monde…

 Quelques réflexions / conseils qui me viennent à l’esprit

 * Il y a en Jésus-Christ une liberté véritable pour le chrétien, qu’il ne doit pas avoir peur d’exploiter.

- On peut donc je crois, par ex., avoir la liberté d’accueillir chez soi des personnes même qui ne vivent pas selon les normes qui sont les nôtres…

- Il n’y a pas lieu non plus de réduire au minimum le contact avec le monde environnant ou les non-chrétiens par peur des souillures. Ce n’est pas ainsi que Jésus a vécu, pas ainsi qu’il nous invite à vivre. Importance de pouvoir rejoindre les gens là où ils sont, pour leur manifester l’amour de Jésus.

* Mais cette liberté chrétienne, cependant, n’est pas absolue, elle n’est pas sans limites. Il y a des garde-fous :

- Ma liberté ne doit pas blesser la conscience d’un frère ou d’une sœur qui serait plus faible que moi sur une question donnée – dans ce cas, il conviendra de m’abstenir volontairement.

- Je dois en outre veiller à l’impact que mon attitude peut avoir sur les autres : ma présence en un lieu peut être comprise comme une caution donnée à ce qui se fait et se pratique dans ce lieu, ce qui peut m’empêcher de montrer vraiment ma différence ( chrétienne ) voire nuire à mon témoignage.

- Je dois rester humble, et ne pas me croire plus fort que je ne suis. Il y a des lieux, des activités ou des fréquentations qui peuvent nuire à mon intégrité spirituelle. Il y a le piège d’un éloignement de Dieu, pas toujours forcément très clairement perçu au départ… Et là, c’est une évidence que tout le monde n’a pas les mêmes forces et fragilités, – en rappelant qu’on a souvent tendance à se considérer plus fort que ce qu’on est ! « Que celui qui pense être debout prenne garde de tomber », disait Paul ( 1 Co 10.12 )… Un avertissement à propos !

* Nous devons avoir le courage de questionner nos motivations.

- La question qu’il convient d’avoir toujours à l’esprit, il me semble, est de me demander si l’usage que je fais de ma liberté honore véritablement le Seigneur, me permet de garder un témoignage crédible, de marquer encore ma différence… – je crois qu’alors nous marchons vers la pureté –

- Ou est-ce que je ne fais finalement qu’utiliser la liberté que j’ai en Christ pour faire ce que j’ai envie de faire, pour me rendre la vie plus facile, voire pour ne pas trop me mouiller, le tout sans faire trop attention à l’impact que cela peut avoir sur les autres ? – je crois qu’alors nous marchons sur un chemin glissant –

En conclusion

On aimerait sans doute avoir des lignes plus claires, plus précises. Mais ce n’est pas la manière de faire de Jésus ou de Paul que de donner des règles définies, valables pour tout le monde et en toutes circonstances, quelques soient les personnes et les circonstances…

 

Nous sommes appelés à exercer notre discernement, éclairés par la Parole, tout en nous situant clairement par rapport à Dieu. Avoir le cœur pur, c’est être sans mélange : être pour Dieu, entièrement, partout où nous nous trouvons, avec tout le monde avec qui nous nous trouvons, dans chaque activité que nous faisons.

 

Le message adressé à Pergame nous questionne sur les compromis que nous avons peut-être faits dans notre vie et nos engagements. Puisse-t-il aussi nous encourager à marcher dans la pureté, pour le Seigneur, pour sa gloire, quelqu’en soit le prix à payer. Amen.

Denis Kennel