L’Eternel est mon berger (3)
Ps 23.3
Série de messages, d’après le livre de Philippe Keller, Un berger médite le Psaume 23
Introduction & Lecture biblique
Nous continuons ce matin notre méditation du Ps 23… Après * la réflexion sur l’Eternel notre berger ( message du 17.09 ) et ** celle sur les verts pâturages et les eaux paisibles ( message du 1.10 ), nous arrivons au berger qui restaure nos âmes et nous conduit dans les sentiers de la justice ( v. 3 )…
Ps 23.1-6 v. 3 « Il restaure mon âme,« Il me conduit dans les sentiers de la justice,A cause de son nom. »
Nous avons dans ce 3ème v. de notre Ps 2 idées qui sont très proches l’une de l’autre :
- « il restaure mon âme », litt. : « il fait revenir mon âme » (sous-entendu il me rend, me redonne la vie) ;
- « il me conduit dans les sentiers de la justice », litt. : « il me conduit dans / vers ce qui est juste, droit » (le mot de justice, en hébreu, – tsedaka –, signifiant en effet ce qui est juste, droit ).
-> 2 idées qui m’apparaissent être intimement liées l’une à l’autre : c’est en nous laissant conduire dans les chemins de la justice du Seigneur, càd dans les chemins qui sont justes devant lui, que nous recevons la vraie vie…
Toute la question est de savoir ce que ça veut dire, de marcher dans les sentiers de la justice du Seigneur…
I. La justice biblique
Qu’est-ce que ça veut dire, être « juste devant le Seigneur » ? Il y aurait sans doute bien des manières de définir la chose… Je vous propose d’entendre une définition que le Seigneur lui-même a donnée, par la bouche du prophète Ezéchiel : « L’homme qui est juste (…) »
Ez 18.5-9 (lire en relevant les formes concrètes que prend la vie d’un homme juste )
Ce qui me frappe dans ce texte, c’est de voir tout ce que comprend le fait d’être juste aux yeux de Dieu. Il me semble que nous avons, dans notre mentalité chrétienne occidentale, une compréhension plutôt restreinte de la question ( pour ne pas dire faussée ! ).
-> Celui qui est juste, c’est celui que le Seigneur a déclaré juste ( justifié ) parce qu’il s’est repenti de ses péchés et a reçu le pardon divin grâce au sacrifice de Jésus à la croix…
Bien sûr, cette affirmation est vraie ! Je ne vais pas dire le contraire… Mais en même temps, il me semble bien que la notion biblique de justice est beaucoup plus large que cette définition ( qui est souvent le seul aspect que nous retenons )…
Si l’on revient à la définition que Dieu a donnée par la bouche d’Ezéchiel ( cf. texte lu ), on voit en particulier que la notion d’être juste, avant d’être un état ou un statut ( je suis juste parce que Christ est mort pour moi ), désigne d’abord une manière de vivre les relations que nous pouvons avoir :
- relations que nous sommes appelés à entretenir avec Dieu, bien sûr ( v. 6a – ne pas manger sur les montagnes, ni lever les yeux vers les idoles : càd une relation de fidélité exclusive à l’égard du seul vrai Dieu ) ;
- mais aussi les relations que nous sommes appelés à vivre les uns avec les autres ( v. 6b-8 : ne pas séduire la femme de son prochain, ne pas exploiter les autres, ne pas commettre de vol, donner à celui qui est dans le besoin, etc. : autant d’attitudes qui concernent notre manière de vivre avec les autres, nos relations ).
Etre juste, donc, c’est s’acquitter de toutes ses obligations non seulement envers Dieu mais encore envers les hommes… Et ceci pour des relations les plus harmonieuses possibles, qui respectent l’intégrité physique, morale, psychique, spirituelle, etc., de notre prochain.
Cf. le commentaire de Stéphane Lauzet ( secrétaire de l’Alliance Evangélique Française ) :
[…] il vaut la peine de souligner que la justice pour Jésus ne signifie pas uniquement être dans une relation juste avec Dieu par la foi : cela veut aussi dire, vivre une relation juste avec Dieu par l’obéissance et avoir des relations justes avec les autres. L’homme juste, c’est celui qui vit en accord avec la loi de Dieu. Déjà le Deutéronome (6.20-26) stipule qu’obéir à la loi, c’est cela être juste.
Autrement dit : la justice, au sens biblique du terme, comprend tout ce qui concerne le fait de vivre des relations justes, des hommes envers Dieu et des hommes entre eux. Nous savons que la chute a perverti toutes ces relations. Mais voilà : en nous invitant à le suivre sur les « sentiers de la justice » ( Ps 23.3 ), le Seigneur ne fait pas autre chose que de nous inviter à œuvrer en vue de la restauration de ces relations corrompues, faussées, injustes… Qu’il s’agisse de nos relations par rapport à lui, ou des uns par rapport aux autres.
Cela dit, ce qu’il est important de bien voir, aussi, c’est la forme sous laquelle Dieu a, tout au long de l’histoire, adressé aux hommes son invitation à la justice ( une forme qui est d’ailleurs toujours la même aujourd’hui ) : je veux parler de l’alliance. Pour montrer sa justice, càd pour montrer à l’homme comment ce dernier pouvait vivre des relations justes avec Dieu et son prochain, Dieu a choisi de faire des alliances : avec Adam, Noé, Abraham, Moïse, Israël, etc., et finalement avec nous, en Jésus-Christ. L’alliance, si on veut, c’est une sorte de contrat qui fixe les règles pour que les différentes parties puissent vivre en bonne harmonie, selon ce qui est juste. Mais surtout, si on se place du côté de Dieu, l’alliance est une grâce totalement imméritée qu’il nous accorde, dans sa miséricorde. Parce que Dieu n’était pas obligé. Il n’avait aucune raison valable de faire alliance avec ces hommes pécheurs qui s’étaient détournés de lui. Aucune raison valable, si ce n’est… son amour qui l’a poussé à tout mettre en œuvre pour restaurer et reconstruire les relations que nous avions brisées.
Notre difficulté à nous, aujourd’hui, c’est que nous sommes influencés – bien plus que nous ne le pensons – par notre conception occidentale et moderne de la justice… Exercer la justice, ou être juste, pour nous, est bien souvent lié à l’idée de juger, prononcer un jugement, ou encore condamner. C’est ce que certains appellent la justice « pénale ». Mais la notion biblique de justice, elle, si elle peut effectivement dans certains cas aboutir à cela, est loin de se résumer à cela. Le Dieu de la Bible manifeste sa justice aux hommes, càd qu’il leur révèle ce qui est juste, non pas en prononçant de prime abord à leur encontre le jugement et la condamnation, mais en leur proposant d’établir avec eux une alliance qui est d’abord une alliance de grâce et de miséricorde, parce qu’il veut les aider à retrouver avec lui et entre eux des relations de justice et de paix. Il est important je crois de préciser cela, parce qu’il est difficile de bien comprendre la notion de la justice de Dieu si on ne l’intègre pas dans celle de l’alliance.
Cf. le commentaire de Claude Baecher :
[…] la notion biblique de justice ne sert pas en premier lieu à condamner. La justice inclut la miséricorde. C'est la justice que les chrétiens doivent chercher en priorité ( Mt 6.33 ), et son contenu dépasse ce que les religieux biblistes du temps de Jésus mettaient sous ce terme ( Mt 5.20 ). A quel type de justice se référait le Christ Jésus lorsqu'il parlait d'une justice « plus grande » que celle des scribes et des pharisiens pour entrer dans le Royaume des cieux ? N'est-ce pas justement une justice visant la restauration des relations au lieu de justifier les séparations ? Cette justice restaure les relations, affronte le mal, appelle à la repentance et travaille à la réconciliation...
[…]Cette justice demandée par le Seigneur Jésus dépasse celle que nous appellerions « pénale ». Elle n'est pas le contraire de la loi mosaïque donnée à une nation, mais elle est son dépassement. Elle ne se contente pas de dire le droit et la sanction à infliger lorsqu'il y a infraction, mais elle cherche à restaurer les relations. C'est à cela que le chrétien travaillera dans sa vie privée, familiale, ecclésiale, professionnelle, sociale, locale, régionale, nationale, etc., et il l'inculquera à ses enfants. Ce sera la base de son éthique […].
A quoi ressemble une justice qui ne se satisfait pas du pénal, mais qui intègre la miséricorde ?
Je crois qu’il est bon que nous, qui souhaitons vivre d’une manière juste devant le Seigneur, nous nous la posions aussi, cette question…
-> Y a-t-il, dans notre recherche de justice, de ce qui est juste, dans notre souci de vivre d’une manière juste, de la place pour la miséricorde et la grâce ? – Ces attributs indispensables pour nous encourager, nous aider ( que ce soit pour nous personnellement ou dans le cadre des relations que nous pouvons avoir avec d’autres ) à grandir dans la fidélité, à vivre d’une manière toujours plus juste devant le Seigneur…
En nous manifestant sa justice, le Seigneur n’a pas parlé que de jugement et de condamnation, mais aussi de grâce et de miséricorde, pour nous aider à retrouver le chemin vers lui. Et heureusement pour nous qu’il en a été, et qu’il en est toujours aujourd’hui, ainsi ! Où serions-nous, sinon ?
II. Se laisser conduire dans les sentiers de la justice
« Il me conduit dans les sentiers de la justice »… Il me semble que nous avons dans cette phrase les 2 aspects de la question :
(1) Le Seigneur nous conduit dans les sentiers sur lesquels nous découvrons comment retrouver une relation juste avec lui, comment être réconciliés avec lui, par sa seule grâce. Parce que notre bonne volonté et nos efforts ne suffisent pas. Jamais nous ne pourrons par nos propres forces être suffisamment bons pour être justes devant le Seigneur. Nous savons aujourd’hui que cela n’a été rendu possible que grâce à l’œuvre du Christ à la croix, lui qui a accepté de subir notre péché et ses conséquences. Pour que nous en soyons, nous, délivrés. Dans les sentiers de la justice, il y a donc la découverte de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ… Celui qui comprend cela, qui l’accepte pour lui dans la repentance et la foi, (re)devient juste aux yeux de Dieu, justifié. Pas dans le sens qu’il serait tout d’un coup devenu parfait. Non… Mais dans celui qu’il a par cette démarche retrouvé la relation avec le Seigneur qu’il avait perdue à cause de son péché.
Cela dit, – et ce, aussi central et vital que soit ce 1er aspect de découvrir dans les sentiers de la justice comment nous pouvons être justifiés par le Seigneur –, il y en a un autre qu’il ne faudrait pas oublier… Parce que ce 1er aspect que nous venons de voir n’est en quelque sorte que le début.
(2) Le berger qui nous conduit dans les sentiers de la justice, s’il nous permet effectivement de découvrir comment retrouver une relation juste avec lui, veut aussi nous conduire plus loin dans cette justice, nous apprendre à vivre d’une manière toujours plus juste, par rapport à lui et les uns par rapport aux autres, comme nous l’avons vu. C’est aussi cela, l’Eternel qui nous conduit dans les sentiers de la justice !
Ce qui veut dire, dit d’une autre manière, que c’est en nous laissant conduire sur ces sentiers par le Seigneur que nous allons pouvoir découvrir et apprendre comment vivre entre nous des relations justes, – des relations qui, si nous nous rappelons ce dont nous avons parlé tout à l’heure avec la notion d’alliance, se doivent d’intégrer la miséricorde et la grâce, comme le Seigneur lui-même l’a fait pour nous en nous révélant sa justice.
Et je dois vous avouer que c’est là une véritable question pour moi… Comment, – dans notre souci d’être juste et de vivre entre nous des relations justes devant le Seigneur –, intégrons-nous, dans ce que nous disons, faisons, etc., la miséricorde et la grâce ? C’est une question difficile ! Je crois qu’une piste à creuser qui pourrait nous aider dans ce domaine est celle de ce que l’on appelle en psychologie l’empathie…
Savez-vous ce qu’est l’empathie ? Cf. définition du Petit Larousse : L’empathie est la faculté de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent…
- - essayer de se mettre à la place de l’autre, pour essayer de comprendre un peu mieux ce qu’il vit, sa situation, ses éventuelles difficultés et souffrances, etc. ;
- - essayer de comprendre les raisons qui l’ont conduit à adopter telle ou telle attitude ou comportement ;
- - essayer de comprendre les limites auxquelles il se heurte, pas toujours volontairement choisies et assumées ;
- - se laisser interpeller dans nos cœurs par le vécu de l’autre, etc.
-> Il me semble que faire l’effort d’entrer dans ces attitudes est une manière de faire preuve de miséricorde et de grâce. Finalement, n’est-ce pas là quelque part ce que Jésus a fait lorsqu’il est venu partager notre humanité ? Il nous a rejoints dans ce que nous étions. Et c’est à partir de là qu’il a pu nous montrer le chemin de la justice…
Bien sûr, il y a des moments où la recherche de formes de vie conformes à ce qui est juste aux yeux de Dieu se devra d’intégrer la dimension de la dénonciation voire de la condamnation. Mais il me semble que – au moins lorsqu’il s’agit d’enfants du Père qui s’efforcent de vivre dans la justice mais qui n’y arrivent pas toujours –, que cela ne devrait jamais se faire sans un « enrobage » de miséricorde et de grâce.
On ne peut pas être juste s’il n’y a pas de miséricorde et de grâce dans nos cœurs pour le prochain. C’est justement là ce qui fait la différence entre la justice pénale et la justice biblique : la 1ère cherche généralement d’abord à punir, pour maintenir l’ordre ; la 2nde cherche quant à elle à guérir, à restaurer, à réparer. Et pour cela, il faut qu’elle intègre la miséricorde et la grâce, comme le Seigneur l’a fait pour nous en établissant avec nous son alliance.
Conclusion
Et oui… Les sentiers de la justice sont plus complexes qu’on ne le pense généralement ! Mais c’est sur eux que l’Eternel-berger entend nous conduire. A cause de son nom. Il engage sa réputation, en quelque sorte, à bien conduire son troupeau…
La question est de savoir si nous sommes prêts, nous, à le suivre dans les sentiers de sa justice.
Denis Kennel