Église de la Vôge

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La lettre à Laodicée

 Ap 3.14-22

Introduction & Lecture biblique

-> Série de prédications sur les « 7 lettres aux Eglises » dans les chapitres 2 & 3 du livre de l’Apocalypse. Suite.

Après Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie : la 7ème et dernière lettre, adressée cette fois à l’Eglise de Laodicée

 

« Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’entend [entend ma voix] et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je dînerai avec lui et lui avec moi. » ( Ap 3.20 )

- Nous connaissons tous ce texte. Que nous réservons souvent aux non-croyants.

š  Ils ne croient pas en Jésus, mais Jésus se tient à la porte de leur cœur et il frappe, dans l’attente qu’ils lui ouvrent càd se convertissent.

- Mais savez-vous aussi où se trouve ce verset ?

š  Et bien il se trouve dans la dernière des 7 lettres adressées aux Eglises, dans les chapitres 2-3 de l’Apocalypse ( notre série commencée en octobre ).

š  Autrement dit, il ne s’adresse pas en 1er lieu à des

non-croyants à convertir, mais à des croyants…

- N’y a-t-il pas là comme qui dirait « un léger petit malaise » ?

š  Parce que cela laisse entendre qu’on peut être croyant, – ou penser l’être –, tout en ayant un Jésus qui est en quelque sorte resté en dehors de notre cœur…

š  Ou bien, si on considère la dimension communautaire de la chose, – puisque la lettre est écrite à une Eglise –, cela laisse entendre qu’on peut être une Eglise dont Jésus n’est pas véritablement au milieu mais dehors en train de frapper...

 

Un peu troublant, vous ne trouvez pas ? Qu’est-ce qui fait que Jésus peut rester en dehors d’une vie chrétienne, d’une vie d’Eglise ? Lecture.

 

Ap 3.14-22

 

Quel est le problème ? Un problème de température.

I. La tiédeur de l’autosuffisance

— « (…) tu n’es ni froid ni bouillant (…) tu es tiède »… Et parce que tu es tiède, – dit Jésus –, « je vais te vomir de ma bouche »… ( v. 15-16 ). Au moins, ça a le mérite d’être clair ! On aimerait des propos plus nuancés, mais ça n’est pas le cas. Mais alors, qu’est-ce que ça signifie, être tiède ? …

š  Etre peu engagé, pas vraiment « brûlant » pour le Seigneur, « mou » dans sa vie spirituelle et son engagement pour le Seigneur, ami du compromis et du mélange, etc. ?

š  En fait on ne sait pas exactement ce qui est précisément visé… L’idée de tiédeur évoque pour chacun de nous des choses différentes. Si on pense au contexte des 6 autres Eglises, on peut imaginer qu’il y a dans ce reproche le fait d’accepter des compromis avec le monde idolâtre, –  pour préserver ses intérêts, son statut social, pour se protéger et éviter de devoir subir les conséquences d’une fidélité à Jésus-Christ, ou tout simplement parce qu’on ne voit pas l’intérêt d’une fidélité trop radicale puisque « l’important c’est de croire », le « comment on vit » n’étant que secondaire ! C’étaient là en effet quelques-unes des problématiques des Eglises dont on a étudié les lettres jusque maintenant.

 

Difficile de savoir exactement quelles formes concrètes prenait la tiédeur de l’Eglise de Laodicée. En même temps, la suite de la lettre donne quand même quelques renseignements.

 

— « Parce que tu dis : ‘je suis riche, je suis devenu riche, je n’ai besoin de rien’, sans savoir que, toi-même, tu es misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu » ( v. 17 ). Il n’est pas inintéressant de savoir que Laodicée était une ville riche, un important centre commercial et financier qui attirait pas mal de monde : il s’y trouvait une école de médecine célèbre qui produisait entre autres un collyre pour les maladies des yeux, et il y avait toute une industrie de fabrication de vêtements avec la laine noire des moutons élevés dans la vallée. Laodicée était une ville qui pouvait très bien se suffire à elle-même, et dont il semble bien qu’elle ne se gênait pas trop pour le faire sentir aux autres. Et visiblement, cet état d’esprit avait gagné les membres de l’Eglise.

 

L’arrogance de l’autosuffisance… L’orgueil de celui qui pense qu’il n’a besoin ni des autres ni de Dieu, parce qu’il est plus riche, plus beau, plus intelligent, plus spirituel, – parce que lui, au moins, il a « réussi ». Peut-être même pense-t-il que sa fortune et sa stature sont les signes d’une faveur spéciale de Dieu sur lui, au vu de ses mérites. Le problème, avec « ces gens-là », c’est qu’on ne peut jamais rien leur dire… Parce que ce sont eux qui ont réussi, qui ont atteint le but : ce sont donc eux qui sont les exemples à suivre ! D’un point de vue matériel, ou peut-être aussi spirituel. Mais voilà, pour le Seigneur, tout cela n’est que poudre d’apparat. La réalité est toute autre : non seulement « tu es misérable, pitoyable, pauvre, aveugle et nu », mais en plus tu ne t’en rends même plus compte ! Le sentiment d’autosuffisance aveugle sur la réalité… Et conduit à la tiédeur : parce qu’on finit par se reposer sur soi-même et ses biens, ses capacités, ses forces, sa spiritualité, plutôt que sur Dieu. Pour Jésus, c’est tout simplement « à vomir »…

Cela dit, tout écœuré qu’il soit, le Seigneur use quand même encore de grâce envers cette Eglise : il ne dit pas en effet « Je te vomis de ma bouche », mais « Je vais te vomir ». Petite nuance, importante : parce qu’elle signifie que le Seigneur attend encore. Il envoie certes une lettre dure, mais c’est pour donner encore une chance : comme un avertissement pour encourager à sortir d’une telle attitude, à faire disparaître la tiédeur. Comment ?

II. Les remèdes du Seigneur

— « (…) je te conseille de m’acheter de l’or purifié par le feu, afin que tu deviennes riche, des vêtements blancs, afin que tu sois habillé et que la honte de ta nudité ne devienne pas manifeste, et un collyre pour t’en oindre les yeux, afin que tu voies » ( v. 18 ). La maladie est grave, il faut 3 médicaments !

 

(1) De l’or purifié par le feu. L’or dans la Bible est souvent un symbole de l’attachement et de la consécration à Dieu ( on apporte au Seigneur des présents en or ). Mais cet attachement et cette consécration doivent encore être purifiés, débarrassés de tous les mélanges qui s’y trouvent malheureusement trop souvent.

 

(2) Des vêtements blancs. Les vêtements blancs, dans l’Apocalypse, sont accordés à ceux qui se sont placés au bénéfice de l’œuvre purificatrice du Christ ( cf. Ap 7.14 ). Acheter chez Jésus des vêtements blancs signifie que l’on reconnaît ses péchés, manquements, son besoin d’être purifié, et qu’on comprend qu’il nous faut accepter que seule la justice de Dieu manifestée en Jésus-Christ peut nous rendre justes à ses yeux.

 

(3) Un collyre pour oindre tes yeux. C’est un médicament pour voir, qui guérit de l’aveuglement spirituel. C’est donc une manière de dire qu’on accepte la nécessaire correction de notre vision : le fait de reconnaître notre propre misère et la vanité de notre autosuffisance.

 

En résumé, on pourrait dire : « Achète de moi le salut ! »[1]. Ce à quoi le Seigneur invite, ce n’est ni plus ni moins qu’à reconnaître notre profond besoin de salut, et donc aussi notre besoin de lui. Et de vivre en conséquence : càd comme des gens qui, dans la conscience de ce que leur Maître a fait pour eux, s’engagent à une vie de service et de consécration, à la fois au service mais aussi dans la dépendance de Dieu et des autres. Un message qui s’adresse aux croyants !

 

— C’est intéressant de noter que ce salut doit être acheté : « (…) je te conseille de m’acheter (…) », dit Jésus. On a tellement l’habitude de dire que le salut est gratuit ! Ne l’est-il donc finalement pas ? Cherchez la réponse dans Es 55.1s ( & )…

š  Il faut acheter, mais sans argent. Càd que ce n’est pas une question de prix à payer ( nous en serions incapables ), mais de vigilance à avoir pour demander, aller chercher le salut auprès de celui seul qui peut l’accorder. Le salut est gratuit, mais nous devons en obtenir la possession légitime, càd avoir l’humilité de reconnaître notre besoin, notre misère, et celle de nous tourner vers Dieu pour recevoir de lui la vraie vie.

š  Parce que bien sûr, c’est auprès de Jésus qu’il faut aller, c’est en lui que se trouve la source de cette vie.

 

— Encore une remarque, avant d’essayer de voir un peu plus concrètement ce que tout cela peut bien signifier pour nous aujourd’hui… Je trouve encourageant de relever que le but final n’est pas d’être pauvre, nu et aveugle… Jésus conseille d’acheter

š  de l’or purifié par le feu, « afin que tu deviennes riche »,

š  des vêtements blancs, « afin que tu sois habillé et que la honte de ta nudité ne devienne pas manifeste »,

š  et un collyre, « afin que tu voies ».

 

La finalité est quand même d’être riche, habillé et de voir. Ouf ! Mais dans la bonne perspective des choses… Accepter les remèdes du Seigneur, c’est

š  devenir riche du salut de Dieu : parce que le salut enrichit, il procure la vraie richesse d’être réconcilié avec Dieu et de pouvoir entrer dans son projet ;

š  être revêtu de justice, de sainteté et de joie dans le Seigneur : parce que la robe blanche couvre la nudité de notre culpabilité, elle nous revêt ;

š  enfin recouvrer une vue juste sur ce qui est véritablement important dans la vie : le service de Dieu et du prochain, dans le projet shalom de Dieu ( « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu … et ton prochain comme toi-même » ).

 

La perspective de pouvoir « acheter », recevoir tout ça de la part de Dieu, ne devrait-elle pas quelque part nous encourager à aller de l’avant ?

III. Et nous ?

— La question qu’on peut se poser, ici, – parce qu’il faut bien aussi nous laisser interpeller par cette lettre, même si elle est dure –, est celle de nos tiédeurs…

 

à Qu’est-ce qui peut nous attiédir, nous rendre tièdes ? …

-       les sentiments d’autosuffisance, de supériorité, tant au niveau matériel que spirituel : tout ce qui nous pousse à nous confier en nos propres forces et capacités en méprisant les plus faibles ;

-       le compromis et l’acceptation dans nos vies de situations qui nous empêchent de vivre pleinement notre engagement pour le Seigneur et les uns envers les autres ( puisque les 2 vont de pair ) ;

-       nos cœurs mélangés et notre manque d’amour pour le Seigneur ;

-       notre laisser-aller et la légèreté avec laquelle nous acceptons dans nos vies des attitudes et comportements dont nous savons pourtant pertinemment qu’ils ne sont pas à la gloire du Seigneur ;

-       notre orgueil, manque d’humilité pour reconnaître notre misère, et notre besoin fondamental – même en tant que chrétiens – de devoir toujours à nouveau nous tourner vers Dieu pour recevoir de lui la vraie vie.

etc. Nous ne sommes sans doute pas tous concernés par les mêmes dangers. Mais quand même tous en danger de nous laisser, à un moment ou un autre de notre vie chrétienne, dans l’une ou l’autre circonstance de la vie, à cause de notre faiblesse et de notre orgueil, etc. – quand même tous en danger de nous laisser attiédir…

 

— Lecture Nouis, Antoine, La Galette et la Cruche, tome I, p. 59-61 ( extraits )

« C’est à nous que tu parles ainsi Seigneur ?  >>>>>>>

>>>>>>> Sois l’hôte de ma maison. »

Conclusion : La richesse de la grâce

— La lettre finit sur une invitation, invitation qui est une espérance, mais qui attend aussi une réponse. Parce que la porte, visiblement, ne s’ouvre que de l’intérieur…

 

à Invitation qui nous est adressée comme je le disais tout à l’heure à reconnaître notre profond besoin de salut, et donc aussi notre besoin de Dieu. Et à vivre en conséquence : càd comme des gens qui, dans la conscience de ce que leur Maître a fait pour eux, s’engagent à une vie de service et de consécration, au service de Dieu et des autres, – tout en se rappelant que ce n’est en aucun cas sur leurs propres capacités, forces, potentialités, etc. qu’ils doivent se confier mais en la seule grâce de Dieu.

 

à Finalement, la vraie richesse dans la vie d’un homme ou d’une femme, c’est le regard bienveillant que Dieu pose sur lui.

 

— Oui, que cette richesse de la grâce de Dieu vienne combler nos vies… Puissions-nous toujours à nouveau ouvrir la porte, accueillir la présence de Jésus dans nos vies ! Et le Seigneur, alors, nous gardera de la tiédeur. Amen.

 



[1] Hendriksen, William, Plus que vainqueurs – Commentaire sur l’Apocalypse, Grâce et Vérité, 1987, p. 75.