Église de la Vôge

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La lettre à Smyrne

*Ap 2.8-11*

Introduction & Lecture biblique

-> Poursuite de notre série de prédications sur les « 7 lettres aux Eglises » dans les chapitres 2 & 3 du livre de l’Apocalypse.

 Nous voyageons un peu, d’Ephèse à Smyrne, une ville pittoresque située à une 50aine de km environ au nord d’Ephèse. Smyrne se vantait d’être la plus grande et la plus belle des villes d’Asie, et elle avait effectivement des atouts : située au bord de la mer Egée, elle s’étendait du bord de cette mer jusque vers le sommet arrondi d’une colline sur laquelle se dressait un ensemble de magnifiques bâtiments publics, appelé la « couronne de Smyrne » ( le Pagos ). La ville bénéficiait en outre d’un climat agréable, avec un vent d’ouest venu de la mer ( le zéphyr ) qui lui apportait sa fraîcheur, même en été.

Et, dans cette ville, une Eglise, à laquelle est donc adressée la 2ème des 7 lettres aux Eglises…

 

*Ap 2.8-11

 

Voilà… Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne retrouve pas grand-chose dans cette lettre de l’atmosphère doucereuse qui semblait se dégager de la description de la ville…

I. Smyrne : la ville, l’Eglise

Persécution, souffrance, oppositions en tous genres, etc., il semble bien que l’Eglise de Smyrne n’avait pas la vie facile ! Ce qu’on comprend mieux si on regarde la situation d’un peu plus près.

 En fait, tout pittoresque qu’elle pouvait être, Smyrne n’en était pas moins une ville dévouée à la cause romaine, ainsi que la résidence d’une importante colonie juive, attirée visiblement par les perspectives de développement commercial et économique du lieu.

 On comprend tout de suite que l’Eglise de Smyrne, fondée semble-t-il par Paul au cours de son 3ème voyage missionnaire , ne pouvait que se heurter à 2 oppositions majeures, à la fois distinctes l’une de l’autre et étroitement liées :

  • l’opposition émanant de la colonie juive, qui suscitait et encourageait les mouvements d’hostilité à l’endroit des chrétiens ( d’où la qualification v. 9 de « synagogue de Satan » ) ;
  •  mais aussi la difficulté de pouvoir entrer et faire partie des classes sociales bien considérées – parce que voilà : à cette époque, pour entrer dans le système, il fallait accepter certaines exigences du culte païen ou impérial comme par ex. assister aux cérémonies et aux sacrifices rituels ( puisqu’on croyait que c’était d’eux que dépendait la bonne marche de l’économie et du commerce ) ; évidemment, on n’était pas obligé, mais en même temps, il fallait être conscient que ne pas céder à ces compromis revenait plus ou moins directement à se retrouver dans la misère, le dénuement, à être exposé à la honte…

 

Pas facile de vivre un témoignage chrétien, de vivre dans la fidélité à Jésus-Christ, dans un tel contexte…

II. Je connais… Le regard de Dieu

  • « Je connais ta tribulation [ton épreuve, persécution] et ta pauvreté (…) et les calomnies [blasphèmes] de ceux qui se disent juifs et ne le sont pas » ( v. 9 ).

 Tribulation, pauvreté. Nous avons rappelé le contexte. Il ne s’agissait pas seulement de quelques désagréments ou difficultés à « boucler la fin du mois », comme on dit. Il était question d’une pauvreté extrême. A cause de leur conversion, les nouveaux chrétiens perdaient souvent leur emploi, sans compter que la plupart d’entre eux étaient issus des classes les plus pauvres. Ce à quoi il fallait ajouter les persécutions romaines provoquées et alimentées par la haine des juifs.

 

La pauvreté désignait peut-être aussi une pauvreté intellectuelle et spirituelle, considérée du moins comme telle par les adversaires et qui était devenue pour eux un motif de moquerie. Les nombreuses allusions dans la lettre au Christ ressuscité, vivant, laissent en effet supposer que l’Eglise était peut-être prise à parti et ridiculisée par rapport à la question de la résurrection : ceux qui croient à de telles fadaises ne peuvent être que des « pauvres types » sans grande intelligence – tel était du moins le point de vue que les adversaires des chrétiens essayaient peut-être de propager dans la ville, un point de vue qui était à la fois moquerie mais aussi éventuellement facteur de déstabilisation dans l’Eglise...

 

Quoi qu’il en soit, la situation n’était pas facile. D’un point de vue strictement humain, devenir chrétien à Smyrne en cette fin de 1er siècle représentait un véritable sacrifice : cela signifiait pauvreté, faim, moquerie, prison et souvent martyre par les bêtes sauvages ou le bûcher.

 

  •  « (…) et pourtant tu es riche » ( v. 9 ). La phrase est presque choquante, et elle le serait si nous ne savions pas qu’elle vient de la bouche du Seigneur.

 

Tu es riche… Autrement dit, le Seigneur demande à ces croyants de Smyrne de ne pas se prendre en pitié eux-mêmes, de ne pas tomber dans le misérabilisme ni même dans le découragement, mais de regarder aux richesses qu’ils ont en Jésus-Christ, malgré leur souffrance. C’est toute la différence entre le regard de Dieu et le regard des hommes…

 

-o- Notre regard reste ( trop ) souvent accroché au « visible pas glorieux », aux difficultés, à la souffrance.

-o- Le regard de Dieu ne nie pas ces réalités visibles pas toujours glorieuses, il les voit ( cf. le « je connais », v. 9 ), mais il voit aussi au-delà d’elles : il voit les richesses qui sont en Jésus-Christ, la gloire de ce qui est à venir, les bénédictions spirituelles ( futures et présentes ). Mais attention : ce n’est pas non plus une apologie de la souffrance ou de la persécution ( « Heureux es-tu parce que tu souffres, ça veut dire que le Seigneur est en train de t’apprendre quelque chose ! » )… Tu n’es pas riche parce que tu souffres, mais parce que tu sais qu’en Jésus-Christ, cette souffrance – même si elle t’emporte – n’est pas la fin de tout. Ainsi l’apôtre Paul, qui pouvait dire

 

* Rm 8.18

 C’est à la fois un grand réconfort :

– savoir que Dieu voit, sait, et qu’il existe en Jésus-Christ une richesse même pour ceux que le monde considère comme des moins que rien ;

et un défi :

– sur quoi est-ce que je porte mes regards quand je suis dans l’épreuve ?

 

La suite de la lettre nous apporte d’autres éléments intéressants et encourageants par rapport à cette thématique.

III. Face à l’épreuve, la victoire en Jésus-Christ

  • — « (…) tu vas souffrir (…) le diable [pas Dieu !] va jeter quelques-uns d’entre vous en prison (…) vous aurez une tribulation de 10 jours » ( v. 10 ).

 

Ça a au moins le mérite d’être clair !! Aussi choquant que cela puisse paraître, – parce que le Seigneur ne fait qu’annoncer les épreuves sans dire qu’il va les empêcher –, cela n’en témoigne pas moins du fait que les événements restent dans la main de Dieu. Sous son contrôle.

 

La mention des 10 jours est intéressante. Elle peut être comprise de différentes manières, qui ne s’excluent pas :

  •  l’aspect limité de l’épreuve : la tribulation va durer 10 jours, mais la perspective pour celui qui restera fidèle est celle de recevoir la couronne de la vie éternelle – et si on met dans la balance 10 jours d’épreuve contre l’éternité avec Dieu, on se dit que ça vaut quand même le coup de rester fidèle ;
  •  mais il y a peut-être aussi une allusion à la durée de la période de jeûne pendant laquelle Daniel et ses compagnons ont été mis à l’épreuve : 10 jours, aussi, pendant lesquels Daniel et ses compagnons ne mangèrent que des légumes au lieu des mets du roi ( qui étaient pour eux impurs à cause des prescriptions de la loi juive ), 10 jours au bout desquels ils avaient « meilleure mine et plus d’embonpoint que tous les jeunes gens qui mangeaient les mets du roi » ( cf. Dn 1.14-15 ) – alors, dans cette perspective, l’Eglise de Smyrne aura une épreuve de 10 jours ( mois ? années ? ), mais il y a la promesse qu’elle en sortira victorieuse et approuvée de son Seigneur, avec « plus d’embonpoint » ( spirituel, bien sûr )…

 

C’est la raison pour laquelle il convient de ne pas désespérer, ne pas se décourager même si c’est dur… D’où les 2 impératifs qu’on trouve :

 

  • — « Ne crains pas... Sois fidèle… » ( v. 10 )

Plutôt que des ordres, je vous propose d’y voir des exhortations… Evidemment, vous allez me dire, c’est facile à dire, quand on ne vit pas soi-même la persécution. C’est vrai. En même temps, il me semble qu’il y a aussi dans nos vies bien des situations qui peuvent nous déstabiliser quant à notre foi : une épreuve dans notre chair qui se prolonge, une situation professionnelle tendue, des drames dans nos vies, etc. – autant de raisons qui peuvent faire que nous ne voyons plus que nos tribulations et pauvreté, et plus les richesses que nous avons en Jésus-Christ.

Ne crains pas, sois fidèle jusqu’à la mort… et je te donnerai la couronne de la vie. Cette exhortation et cette promesse ne prennent sens que dans la bouche d’une seule personne : le seul qui peut dire ça, c’est celui qui a vaincu la mort. Et il est intéressant de voir ici que le titre que Christ se donne dans la lettre, – « le premier et le dernier, celui qui était mort et qui est revenu à la vie » ( v. 8 ) –, est en parfaite harmonie avec le message qui suit… Christ se rappelle comme celui qui vit après avoir connu la mort, comme celui qui a vaincu la mort. Alors il sait de quoi il parle quand il parle des richesses que possèdent ceux qui subissent l’épreuve et la persécution, même si ces dernières semblent à vues humaines l’emporter, éventuellement jusqu’à la mort physique…

 

La question, c’est de savoir si nous le croyons, si nous arrivons à nous approprier au moins un peu ce regard divin, – ou si nous restons bloqués sur les murs que nous voyons devant nous en oubliant que le Seigneur nous donne les moyens de voir au-dessus, ou à travers eux…

 

J’aimerais pour finir partager avec vous quelques questions que nous pose cette lettre, à nous aujourd’hui.

IV. Quelques questions que nous pose cette lettre…

Mais d’abord un témoignage de l’histoire : le récit du martyre de Polycarpe

A la fin du premier siècle, l'évêque de l'église de Smyrne était peut-être Polycarpe, un disciple de l'apôtre Jean. Cet homme vénérable est resté fidèle jusqu'à sa mort sur le bûcher, en l'an 155, pour avoir refusé de dire « César est Seigneur ». On l'avait amené au stade, et le proconsul l'avait pressé en ces termes : « Jure, et je te laisse aller ; maudis le Christ. » Polycarpe répondit : « Je l'ai servi quatre-vingt-six ans, et il ne m'a jamais fait de tort : comment pourrais-je blasphémer mon roi qui m'a sauvé ? » Sur l'insistance du proconsul, le vieil homme répliqua : « Puisque tu insistes inutilement pour me faire jurer par le nom de César, et que tu prétends ne pas me connaître, laisse-moi te dire avec force que je suis un chrétien. » Au bout d'un moment, le proconsul lui répondit : « J'ai des bêtes, et je te livrerai à elles, si tu ne changes pas d'avis. » Puis : « Je te ferai brûler par le feu, puisque tu méprises les bêtes, si tu ne changes pas d'avis. » Mais Polycarpe dit simplement : « Tu me menaces d'un feu qui brûle un moment et peu de temps après s'éteint ; car tu ignores le feu du jugement à venir et du supplice éternel réservé aux impies. Mais pourquoi tarder ? Va, fais ce que tu veux. » Peu après, le peuple, les Juifs en particulier, selon la tradition, se mit à entasser des fagots. Et Polycarpe mourut ainsi sur le bûcher.

« Lettre aux églises », Foi vivante n° 162, p. 104

 

Quelques questions que nous posent ce récit, et plus globalement cette lettre à l’Eglise de Smyrne

 

* Sur quoi se portent mes regards ? Est-ce que j’arrive, au-delà de mes souffrances, à voir la richesse que j’ai en et par Christ, à savoir la vie éternelle ? C’est important, pour ne pas craindre et rester fidèle… Avec ce rappel : il existe en Jésus-Christ une richesse même pour ceux que le monde considère comme des moins que rien !

*  Que représente pour moi l’espérance de la vie éternelle ? Est-elle pour moi source de réconfort pour aujourd’hui, ou est-ce une notion qui me semble tellement éloignée que je l’oublie plus ou moins ?

* Question encore de l’importance que j’accorde à ma vie terrestre… Ça veut dire quoi, pour moi, aujourd’hui, en France, être fidèle jusqu’à la mort ? Peut-être déjà être prêt à risquer – par fidélité à Jésus-Christ – un peu de ce qui fait ma sécurité, ma réputation, mon honneur, mon confort ? Quel prix suis-je prêt à payer pour Jésus-Christ ?

* Une dernière question. Suis-je toujours suffisamment conscient que la véritable richesse aux yeux de Dieu n’est pas la richesse matérielle ? Or n’est-ce pas pour cela que nous investissons généralement le plus ( en temps, en énergie, etc. ) ?

Il y aurait sans doute d’autres questions… Le même texte peut résonner de différentes manières chez différentes personnes. L’exhortation, cependant, et la promesse, restent les mêmes :

Ne crains pas… Sois fidèle jusqu’à la mort… Et je te donnerai la couronne de la vie...

 

Oui, que le Seigneur nous fasse la grâce de lui rester toujours fidèles, dans la conscience que c’est là notre véritable richesse ! Amen.

Denis Kennel