La lettre à Sardes
* Ap 3.1-6 *
Introduction & Lecture biblique
à Série de prédications sur les « 7 lettres aux Eglises » dans les chapitres 2 & 3 du livre de l’Apocalypse.
NB. Reprise après coupure de l’Avent & des fêtes ( dernier message de cette série remonte au 25.11.07 )
Après Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire : la 5ème des 7 lettres, adressée cette fois à l’Eglise de Sardes
* Ap 3.1-6
Une lettre sévère ( je vous avais prévenu la dernière fois ! ), peut-être la plus sévère de toutes…
I. Sardes, une réputation trompeuse
- « Je connais tes œuvres ; je sais bien que tu es réputé vivant, mais tu es mort » ( v. 1 )… Cette phrase, bien sûr, est celle qui nous interpelle le plus. Généralement, quand quelqu’un est mort, ça se voit. Mais là, le problème est plus complexe : il y a une impression de vie qui est donnée, – « tu es réputé vivant » –, mais cette impression ne repose visiblement que sur des choses extérieures, des images, – à l’intérieur, « tu es mort » –.
Cf. la publicité maintenant déjà ancienne de la boisson Canada Dry : « ça a la couleur de l’alcool, l’aspect de l’alcool, le goût de l’alcool, etc. … Mais ça n’est pas de l’alcool ! ». Dans la publicité, c’était un élément positif, parce que le but était justement de vanter les mérites d’une boisson non alcoolisée. Mais dans le cas de l’Eglise de Sardes, on n’est pas franchement dans le registre du positif… Il y a en quelque sorte « tromperie sur la marchandise » : comme si on vantait la qualité d’un produit vivant ou frais, mais voilà, à l’intérieur, c’est mort ou avarié. Généralement, quand ça nous arrive, on n’aime pas trop, on a l’impression d’avoir été trompé. Et éventuellement, on va décider de ne plus acheter ce produit ou de ne plus aller dans ce magasin.
- Quel était le problème ? Il me semble qu’on peut, par rapport à ce qui nous est dit dans la lettre, identifier ( au moins ! ) 3 domaines de malaises.
(1) Il est d’abord question d’œuvres qui ne sont pas parfaites, ou comme le rend mieux la version que j’ai lue ( NBS ), des œuvres qui ne sont pas « pleinement accomplies » : « (…) je n’ai pas, – dit Jésus –, trouvé tes œuvres pleinement accomplies devant mon Dieu » ( v. 2 ). Ce n’est pas qu’il n’y avait pas d’œuvres, il y en avait, mais il manquait visiblement quelque chose… Qu’y avait-il dans ces œuvres ? Sans doute des choses très bien… Peut-être même des cultes, des réunions, des prières, des œuvres caritatives, etc. – tout ce qu’il faut pour donner une impression de vie. Mais il manquait quelque chose, quelque chose de suffisamment important aux yeux de Dieu pour qu’il porte ce jugement sévère : « tu es mort ».
(2) Il y avait ensuite – 2ème problème – un problème de pureté, de compromis avec le monde. Jésus mentionne en effet à la fin de la lettre quelques-uns « qui n’ont pas souillé leurs vêtements » ( v. 4 ), ce qui laisse entendre que les autres, la majorité visiblement, étaient tombés dans ce piège. Le terme employé ici est utilisé dans d’autres passages du NT pour décrire ceux qui ne se sont pas gardés purs de la souillure du péché, qui se sont souillés par la fornication et l’adultère. Ce qui peut être compris au sens purement physique du terme, bien sûr, mais aussi au sens spirituel : sont considérés dans la Bible comme « adultères » aux yeux de Dieu tous ceux qui acceptent, tolèrent et aiment d’autres dieux que lui. A l’époque de Sardes, cela visait bien évidemment les cultes païens auxquels les chrétiens consentaient de participer pour se protéger ; aujourd’hui, on pourrait parler de tout ce que dans nos vies nous avons parfois tendance à aimer plus que Dieu, tout ce qui – personne, activité ou objet – nous empêche de mettre le Seigneur à la 1ère place de notre vie comme il nous le demande pourtant…
(3) Enfin, – 3ème élément –, on peut penser qu’il y avait à Sardes un faux sentiment de sécurité. L’impression d’être bien en règle avec Dieu, parce qu’on avait les formes, la réputation, et qu’on pensait que cela suffirait à nous garantir le salut, indépendamment de notre fidélité à Jésus-Christ au jour le jour. Ce qui fait penser à cela, c’est le parallèle qui est semble-t-il fait entre l’Eglise de Sardes et la situation de la ville de Sardes. Une ville située sur une colline presque inaccessible, en fait un ancien plateau autour duquel un fleuve avait creusé, sur 3 côtés, une gorge profonde. On ne pouvait accéder à la ville que par un seul côté, le 4ème, par un chemin assez raide et étroit, qu’il était facile de fortifier. Et les habitants de Sardes étaient semble-t-il plutôt du genre arrogant et présomptueux : ils étaient sûrs que personne ne pourrait escalader les parois verticales creusées par le fleuve ; quant au chemin d’accès, il était bien fortifié. Ils avaient donc baissé la garde. Mais voilà, plusieurs fois dans leur histoire, ils s’étaient quand même fait prendre… Difficile de ne pas penser qu’il y a une allusion à cela quand Jésus dit : « Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur (…) je viendrai te surprendre » ( v. 3 ). Le danger de se sentir en sécurité, de penser qu’on est à l’abri, simplement parce qu’on a une pratique chrétienne ou parce qu’on sait qu’on a un jour fait une démarche avec le Seigneur, et qu’on pense que ça suffit, même si on s’est un peu refroidi ou ramolli depuis…
-> 3 problèmes donc, qui doivent je crois nous interpeller aujourd’hui encore, autant dans notre vie personnelle que dans notre vie d’Eglise…
(1) des œuvres qui ne sont pas « pleinement accomplies » ;
(2) un problème de pureté : le Seigneur n’est pas à 1ère place, il y a du mélange ;
(3) un faux sentiment de sécurité : celui d’être peut-être conscient des problèmes tout en pensant que ça n’est pas grave, puisqu’on a réussi à maintenir les formes et qu’on pense que voilà, a priori, ça devrait suffire…
- Est-ce un jugement trop sévère ? A nos yeux sans doute. C’est en tous cas celui que Jésus a porté sur l’Eglise de Sardes. Et si nous ne sommes peut-être pas ici à Darney exactement dans la même situation ( ??? ), nous avons néanmoins tout intérêt à écouter, recevoir et considérer aussi pour nous les exhortations adressées par le Seigneur à son Eglise… Parce que Jésus – c’est la bonne nouvelle – n’abandonne pas son Eglise et ses enfants, même s’il les juge dans un état de mort. Il est le Dieu de la vie, il veut et peut redonner la vie ; c’est pourquoi il les invite à se ressaisir.
II. La solution : Sois vigilant !
- « Sois vigilant et affermis le reste qui est sur le point de mourir » ( v. 2 ). Il y a encore un espoir ! Tout n’est pas fichu. La situation est sérieuse, grave, mais pas désespérée… Maintenant, ça va aussi dépendre un peu de toi…
- « Rappelle-toi donc ce que tu as reçu et entendu, garde-le et change radicalement » ( v. 3 ). Comme on l’a déjà vu à plusieurs reprises dans les lettres précédentes, il y a une invitation à regarder en arrière. Mais ce n’est pas au regard nostalgique du « Ah comme c’était bien avant, on n’avait pas tous les problèmes qu’on a maintenant ! » – auxquels on attribue peut-être les raisons de notre ramollissement – que le Seigneur nous invite… Non, il s’agit de se rappeler ce qu’on a reçu et entendu. Et même un peu plus que cela : se rappeler comment, de quelle manière on a reçu et entendu ( traduction plus juste du pwj ). La nuance est importante : il s’agit moins de se rappeler les vérités de l’Evangile, la bonne doctrine, – celles-là, on les connaît, même quand on s’est refroidi ! –, que de se rappeler comment on les a reçues : ce que ça nous a fait, dans notre cœur, quand on a entendu l’Evangile et qu’on a décidé de suivre le Seigneur ; la chaleur, la paix, la joie qui ont rempli notre cœur lorsqu’on a compris son amour pour nous et que cet amour nous a poussés à lui répondre. C’est de cela que le Seigneur nous invite à nous souvenir, et à garder ; c’est cela qui nous poussera à un retour à Dieu sincère, ce changement radical ( repentance ).
Je me demande si ce n’est pas justement là ce qui manquait aux œuvres de l’Eglise de Sardes pour qu’elles soient « pleinement accomplies ». Ce qui manque peut-être parfois à nos œuvres, à nos pratiques ? Des œuvres et pratiques qui ne découlent plus de notre amour pour Dieu, qui ne sont plus vraiment faites par amour pour le Seigneur mais par habitude, éventuellement avec lassitude, quand ça n’est pas sous la contrainte ou avec un certain énervement.
-- Je pense à ( saint ) Augustin qui disait que les seules œuvres vraiment justes ( virtutes piorum ) sont celles qui découlent de l’opération de la grâce et de l’action intérieure du Saint-Esprit : càd les œuvres et pratiques qui découlent directement de notre amour pour Dieu, celles qu’on fait parce qu’on a compris l’amour de Dieu et parce qu’on aime Dieu. Est-ce que ce ne sont pas là les œuvres ( et pratiques ) qui sont « pleinement accomplies » ?
-- Cf. encore Benoit XVI qui, dans son encyclique Dieu est amour, parle des œuvres comme devant découler de « la dynamique de l’amour suscité par l’Esprit du Christ » ( p. 56 ), ou encore de l’importance de « la rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en [nous] l’amour et qui ouvre [notre] esprit à autrui, en sorte que [notre] amour du prochain [et on pourrait ajouter ici toutes nos œuvres et pratiques, y compris les spirituelles comme le culte, la prière, la lecture et la méditation de la Parole] ne soit plus imposé pour ainsi dire de l’extérieur, mais qu’il soit une conséquence découlant de [notre] foi qui devient agissante dans l’amour ( cf. Ga 5.6 ) » ( p. 63 ).
La question, finalement, est celle de l’amour de Dieu qui brûle encore ( ? ) dans notre cœur… C’est cet amour qui nous pousse à vivre une vie d’obéissance et de fidélité, de consécration et de service. Souviens-toi comment tu as reçu l’Evangile, ce que ça a fait dans ton cœur quand tu as compris l’amour de Dieu pour toi, quand Dieu a mis en toi son amour : les œuvres, attitudes, services, comportements, pratiques, etc. qui en découleront seront alors « pleinement accomplis », agréables aux yeux de Dieu.
- Cet amour pour Dieu te gardera aussi dans la pureté, t’aidera à ne pas souiller ton habit, – si je reprends les termes du 2ème problème que nous avons relevé tout à l’heure. Jésus dit que ceux qui n’ont pas souillé leurs vêtements marcheront avec lui en vêtement blanc ( v. 4-5 ). Les vêtements blancs, dans l’Apocalypse, sont accordés à ceux qui se sont placés au bénéfice de l’œuvre purificatrice du Christ, càd qui ont reconnu à la fois leurs péchés, leurs manquements, et leur besoin d’être purifiés ( cf. Ap 7.14 ). Mais la lettre nous rappelle que ce don reste menacé : le croyant doit veiller sur lui, sur sa conduite, son comportement, ses engagements, se préserver de toute compromission et de toute souillure. Le moyen pour cela reste évidemment de garder intact au fond de son cœur son amour pour Dieu, ou de chercher à le retrouver si on l’a perdu. Lorsqu’on aime quelqu’un, – ici, en l’occurrence, Dieu –, on a à cœur de lui être agréable, de vivre dans la fidélité à lui et à son projet. Et c’est là cet amour qui va nous conduire, nous montrer le bon chemin, faire que nous ne donnions pas à d’autres dieux la place dans notre cœur qui revient au seul Maître et Seigneur.
- Alors il faut veiller. Veiller pour ne pas se laisser surprendre… « Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur (…) je viendrai te surprendre » ( v. 3 ). Veiller à l’amour que Dieu a mis dans nos cœurs et que nous avons pour lui, veiller à ce que ce soit toujours cela qui soit au cœur de ce que nous faisons, qui soit la source de nos œuvres et pratiques, quelles qu’elles soient.
On peut se demander si c’est si important que cela… On n’a pas toujours le temps qu’il faut pour entretenir cet amour, les circonstances ne sont pas toujours favorables, on a d’autres choses à faire, à penser, peut-être aussi un peu trop d’autres centres d’intérêts, etc. Ne sommes-nous pas au bénéfice de la grâce de Dieu, puisque nous lui avons confié notre vie ? Sans compter qu’on a quand même encore les formes ! Y’en a certains qui ne les ont même plus !! … Sans doute … C’est vrai que la Bible nous rappelle à maintes reprises que Dieu reste fidèle même lorsque nous ne le sommes pas autant que nous le devrions. Mais elle nous dit aussi qu’il y a un danger à se croire trop en sécurité, et de se relâcher.
Je parlais tout à l’heure de la confiance absolue que les habitants de Sardes avaient mis dans leur ville. Si bien située, si imprenable … qu’elle fut conquise à plusieurs reprises dans son histoire : par Cyrus, roi de Perse, au VIe siècle av. J.-C., puis par Alexandre le Grand, au IIIe siècle av. J.-C., et encore une fois, en 214 av. J.-C., par Antiochus le Grand, roi de Syrie. C’est intéressant de savoir comment les 2 1ers s’y sont pris. Les chroniqueurs racontent qu’ils ont attaqué par le côté du précipice, là où ça semblait tellement impossible que les habitants de Sardes avaient baissé la garde. Il semblerait que les attaquants avaient repéré, dans cette falaise qui tombait à pic, un garde de la muraille qui descendait vers le fleuve par un sentier extrêmement escarpé, à peine plus qu’une faille dans le rocher, pour récupérer le casque qu’il avait laissé tomber… Les assaillants n’avaient plus qu’à prendre le même chemin, en sens inverse : c’était facile, il n’y avait quasiment pas de gardes. Une fois maîtrisés les quelques défenseurs, ils n’eurent plus qu’à aller ouvrir de l’intérieur les portes principales de la ville pour laisser entrer le gros des troupes…
L’ennemi frappe parfois là où on s’y attend le moins, là où on se sent le plus fort, le plus en sécurité ; c’est malheureusement aussi vrai dans notre vie spirituelle. Le manque de sérieux et de discipline avec lequel nous veillons ou non à maintenir et nourrir notre amour pour le Seigneur peut être une faille que l’ennemi exploitera pour nous faire chuter…
« (…) 3 choses demeurent, – écrivait Paul aux corinthiens – : la foi, l’espérance, l’amour ; mais c’est l’amour qui est le plus grand » ( 1 Co 13.13 ). Puisse le Seigneur nous garder dans son amour, le renouveler en nous, dans notre cœur ! Puisse-t-il aussi nous aider à veiller dessus, avec soin, pour que jamais il ne s’éteigne !
- Alors nos œuvres auront des chances d’être « pleinement accomplies », parce qu’elles s’enracinent dans l’amour de Dieu.
- Alors nous serons aidés et stimulés pour que le Seigneur et son projet soient réellement à la 1ère place dans notre vie et nos engagements, pour que nos cœurs ne soient plus partagés.
- Alors nous vivrons réellement, comme le Seigneur le désire, dans la fidélité à Jésus-Christ et pour l’avancement de son Royaume : c’est là qu’est – et sera, jour après jour – notre sécurité…
Exhortation finale
« …) le vainqueur – dit Jésus – sera habillé de vêtements blancs ; je n’effacerai jamais son nom du livre de la vie, je reconnaîtrai son nom devant mon Père et devant ses anges » ( v. 5 ).
Tel est le projet de Dieu pour nous. Nous ne nous sentons peut-être pas à la hauteur, marqués par nos limites, incapables de maintenir en nous cet amour que le Seigneur veut déverser dans nos cœurs ? Il est important, alors, de ne pas oublier la manière dont Jésus se présente au début de la lettre : « celui qui a les 7 esprits de Dieu et les 7 étoiles » ( v. 1 )… Càd celui qui veut, par son Esprit – le Saint-Esprit de Dieu qui est source de vie –, renouveler, revivifier, rendre à la vie.
La lettre sonne sans doute durement à nos oreilles… Il serait dommage d’en rester là, de n’y voir que le jugement implacable d’un Dieu dénué de sentiments et incapable de comprendre ce que nous vivons. Parce que cette lettre, en même temps qu’elle est un appel, est aussi une bonne nouvelle : Jésus n’abandonne pas son Eglise et ses enfants, même s’il les juge dans un état de mort. Il est le Dieu de la vie, il veut et peut redonner la vie ; c’est pourquoi il les invite à se ressaisir.
C’est mon souhait et ma prière pour nous, pour notre Eglise : que nous ayons toujours à nouveau ce désir renouvelé d’être remplis de l’amour de Dieu et pour Dieu… Alors nous serons vivants, par le Saint-Esprit, et notre Eglise sera vivante !
« Mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, dans la gloire, en Jésus-Christ. » ( Phi 4.19 ). Puisse cette promesse nous encourager à nous tourner vers notre Dieu qui veut nous remplir de son amour et de sa vie !
-> Prière
- ou quelques instants de silence pour le demander à Dieu dans l’intimité de nos cœurs ? -
Amen.
Denis Kennel